En réalité, la priorité des priorités tenait à la situation d’une avocate du barreau, menacée pour sa spécialisation dans le droit des étrangers : « C’est sur ce sujet que Fatima Ousseni m’a interpellée en premier. Je veux expliquer qu’un avocat ne peut être menacé en raison de la cause qu’il défend. Toute personne a le droit d’être défendue. Ceux qui portent les menaces, seront contents de l’être si un jour ils sont victimes ou responsables d’un acte. »
Mayotte n’est hélas pas un cas isolé, « la montée de la violence est une réalité à laquelle sont confrontés des barreaux de métropole. C’est le cas à Grenoble. Notre riposte est tout d’abord de montrer à l’avocat qu’il ou elle n’est pas seul. Ils ont l’appui du Conseil National du barreau, et des autorités. Nous pouvons nous porter partie civile quand l’avocat dépose plainte, mais ce qu’il fait rarement. »
Une situation qui porte l’échange sur le plan national et la réforme de la justice, « on cherche à éloigner le magistrat de l’avocat, en cherchant à imposer la vidéo-audience. Or, on se prive du contexte humain de l’affaire jugée, il n’y a pas de petits ou de gros dossiers. » Les avocats se battent aussi contre la mise en place de la Cour criminelle, « on va juger que telle affaire est moins importante qu’une autre sur la peine encourue. Alors que les femmes se sont battues pendants des années pour faire qualifier le viol en crime passible des Assises, on va re-correctionnaliser l’acte ! L’objectif est d’aller plus vite, de faire des économies. Je reprendrai la sentence d’une autorité québécoise, ‘vous pensez que c’est une dépense quand j’y vois un investissement’ ».
Une avocate spécialisée dans les demandeurs d’asile
La fonction du Conseil national des Barreaux (CNB) est de représenter les avocats par rapport aux autorités publiques, de se charger de réglementer la profession. D’une parité remarquable, puisque hommes et femmes y sont représentés à égalité, il est aussi composé de 50% d’élus de l’ordre et 50% de syndicats.
Pour revenir aux problématiques mahoraises, si le versement de l’aide juridictionnelle a été accéléré, ce n’est pas encore la panacée, « nous allons peser pour revenir à des délais raisonnables. » Le CNB va essayer de faire venir à Mayotte une avocate spécialisée dans les Demandeurs d’asile et l’aide juridictionnelle. Mais faire venir des compétences est un challenge pour le barreau aussi, « les avocats sont en sous-nombre ici. Ils ne parviennent pas à assurer les permanences pénales, il faut que les droits des personnes soient respectés. Une permanence au Centre de rétention me paraît indispensable. »
Enfin, c’est dans la dématérialisation que les avocats du barreau de Mayotte doivent s’investir, « il faut les initier à l’utilisation de tous les outils par des formations. »
Après 48h passées sur le territoire, Christiane Féral-Schuhl repart ce mardi pour La Réunion.
Anne Perzo-Lafond
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