Ce samedi, toutes les structures touchant de prés ou de loin au livre à Mayotte, étaient présentes, le MuMa en profitait pour vanter le lancement de sa petite section bibliothèque. En pôle position des signatures d’écrivains, Nassur Attoumani et Djabiri Madi Leroi, proposaient leurs derniers opus.
Le premier, célèbre auteur satirique qui privilégie l’humour pour dénoncer les problèmes de la société, que ce soit à travers ses romans, « Tonton ! Rends moi ma virginité », « Mon mari est plus qu’un fou : c’est un homme », ou ses pièces de théâtre, « Le turban et la capote », s’est lancé dans les traductions en shimaoré de Fables de La Fontaine, « Hale za Jean de La Fontaine ».
Pour l’amateur du genre, l’ouvrage a une grande vertu, celle de retrouver les tournures d’esprit de La Fontaine, caustique sur sa société, une sorte de parrain de choix pour Nassur Attoumani. Il permet aussi de découvrir des pépites méconnues. Qui se souvient que la morale « Un tient vaut mieux que deux tu l’auras », clôt la fable « Le petit poisson et le pêcheur » ?, ce dernier préférant assurer sa pitance plutôt que de rejeter à l’eau sa maigre pêche qui ne demandait qu’à grossir.
Mais pourquoi le traduire en shimaoré, quand tout le monde s’accorde à dire qu’un lecteur qui déchiffre le français est à même de le faire un shimaoré, l’alphabet étant très proche ? Nassur Attoumani explique sa démarche : « En réalité, certaines personnes savent déchiffrer le français, mais pas le lire. Il fallait donc traduire, mais pas n’importe comment. La plupart des fois, la traduction en shimaoré suit le mot à mot, au risque de faire, au pire des contresens, au minimum, d’en perdre le sens. J’ai donc avant tout traduit le sens dans cet ouvrage. Ensuite, j’ai choisi les fables de La Fontaine, car elles sont un concentré de moralité, j’aimerais que cela profite au plus grand nombre. » Une base intéressante pour les scolaires.
Des contes trilingues pour les jeunes
Nassur Attoumani n’en a pas fini avec les jeunes, puisqu’il se lance dans la rédaction de contes, avec un biais particulier, « j’en ai déjà écrit 6, il m’en faut 10 pour faire un recueil. Je les traduis ensuite en shimaoré et en anglais. » Des contes trilingues, un support qu’il espère faire entrer dans la littérature jeunesse, « je joins un fichier pédagogique à la fin », avec la encore, un outil pour le collège, « et même à l’international, pour découvrir notre culture. » Il a déjà sous le coude « Les doigts de la main », qui vous permettra de comprendre pourquoi le pouce s’est désolidarisé des autres doigts.
Aux côtés du « shimaorisant » écrivain, le « kibushisant » Djabiri Madi Leroi, qui présente son recueil de poèmes, dont une petite partie est écrite dans la langue d’origine malgache. Ils ne figurent pas en traduction, mais affichent leur musicalité. Nous ne sommes pas dans le romantisme avec Djabiri Madi Leroi, « pour moi un poème d’amour est vu à travers la peur de perdre l’être cher. » Ne lui parlez pas des grands précédents comme le Spleen de Baudelaire, l’écrivain est tout sauf un mélancolique, « je décris la souffrance, la douleur, c’est un combat. »
Le Salon du livre, c’est aussi ça, des qualités d’échange qu’on a un peu perdu, et qu’on ne demande qu’à retrouver… tous les ans ?!
Le Salon du livre fermera ses portes ce dimanche.
Anne Perzo-Lafond