Tanchiki Maoré incarne la pleine réussite Mahoraise, avec une histoire à faire fondre n’importe quel « bouffeur de patrons ». Parti de quasiment rien sous la forme un camion rouillé, qui, repeint en rose, s’est vite trouvé des petits frères flambants neufs au fur et à mesure que la société Maoré Assainissement et Propreté (MAP) grossissait, cet ancien soudeur a peu à peu diversifié son activité. Furent alors créées MIP, Maoré Intervention et Propreté, puis Bling bling, qui pavane avec ses deux limousines de location, et enfin, le rachat de l’hôtel Trévani. C’est ce dernier ainsi que leur patron, que les salariés voulaient défendre en descendant dans la rue ce lundi.
Celui qui a décroché un concours Talents national en 2010, a repris la gérance de l’hôtel Trévani en 2017, un emplacement de rêve sous exploité, avec des bungalows délabrés et une restauration approximative. « Il fallait y effectuer prés d’un million de travaux », nous résume-t-il au téléphone. Fort de ses 400.000 euros de fonds propres, la BFC lui octroie un crédit de 500.000 euros, et le conseil départemental abonde a minima avec 50.000 euros. Il rembourse également les dettes selon un échéancier, « j’y parvenais sans problème. » Mais 2018 passe par là, il nous avait d’ailleurs alerté sur les conséquences que lui faisait peser le conflit social. « Je me suis retrouvé à devoir payer 37 salariés sans aucune activité », il contracte un dernier emprunt de 300.000 euros. « J’ai relancé l’activité, mais les dettes sociales demeurent ».
« C’est à notre tour de lui renvoyer l’ascenseur »
Des dettes sociales qui sont un effet bloquant inconditionnel à l’obtention du moindre fonds européen ou même national, comme le fond d’urgence débloqué en 2018 pour soutenir le secteur économique. « La Caisse de Sécurité sociale a toujours recherché activement une solution à mon cas, mais en proposant un échéancier sur 3 ans, qui serait encore trop lourd. »
A ces difficultés s’ajoutent celles que pose son extension sur le domaine public maritime en l’occurrence la plage, « la DEAL est en effet passée, avec une démarche plutôt conciliante, puisqu’ils vont régulariser ce qui peut l’être, et annoncent détruire le reste. Mais ils visent notamment le mur qui longe l’établissement, évite les incursions, et surtout l’inondation des bungalows lors des grandes marées hautes. »
Dans la rue ce lundi, il y avait bien sûr les salariés de l’hôtel, et en soutien, une petite partie de MAP, mais aussi des représentants d’associations de la commune de Koungou. « Je suis là parce que Tanchiki est le seul à nous aider, et que c’est à notre tour de lui renvoyer l’ascenseur. Il nous a notamment financé l’achat d’un bus pour les joueurs », explique Djamil Abdallah, responsable du club de football USCJ à Koungou.
La paix sociale contractualisée
La dimension sociale de l’entrepreneur est en effet largement à prendre en compte. Depuis les émeutes sociales de 2011, il se pose comme un grand frère bienveillant pour les jeunes désœuvrés au sein de la commune. Alors que les caillassages sont toujours légion, il décide en 2012 d’organiser le One man show de l’humoriste Gohou sur le stade de Koungou un événement classé à l’époque à très haut risque par les forces de l’ordre. Le service de sécurité de l’événement est assuré notamment par les jeunes désœuvrés de la commune, la soirée est une réussite.
Un modèle qu’il a dupliqué depuis au cours de nombreuses soirées, il reverse environ 200.000 euros par an aux associations sportives ou culturelles de la commune, « j’accompagne, mais en échange, je demande la paix sociale. Il organise notamment des opérations mensuelles de nettoyage avec les jeunes, « je leur donne 20 à 40 euros chacun pour qu’ils survivent, et désormais, au travers d’une association que je viens de créer, nous leur trouvons des formations en collaboration avec le CCAS de la commune. Ces jeunes sont plus nombreux que nous, si nous ne nous en occupons pas, nous aurons des caillassages comme à Doujani ou en Petite Terre il y a 10 jours ! »
Avant même que se déroule cette manifestation de soutien, le chef d’entreprise avait reçu une proposition d’accompagnement de la préfecture, « dès que je rentre de vacances, je dois leur apporter mes bilans pour finaliser une solution. » Mais ce challenge de l’hôtel Trévani l’a déjà usé prématurément, « je veux sauver les emplois, mais ensuite, je réfléchis à m’y investir de manière différente. Pourquoi pas dans le cadre d’une cogestion, je ne peux plus gérer ça tout seul. »
Les salariés sont montés à, la préfecture et au conseil départemental, « sans blocage, ni violences », nous ont-il précisé. L’élu présent leur a expliqué que le dossier serait examiné à la prochaine assemblée.
Anne Perzo-Lafond