Le top départ est donné par la sonnerie à 11h05. Dans un brouhaha indescriptible, les élèves du collège se mettent en rang, et présentent leur carnet de correspondance. La mention « collationnaire » leur donne droit ce mardi à un sandwich au maïs et œuf, et à un pot de Caresse de Yoplait aux mûres.
Et pour la visite de cet hôte de marque qu’est Gilles Halbout, pas de menu amélioré, nous rapporte Sled, un élève, « moi je mange tous les jours, et dès fois on a la même chose, dès fois des pizzas avec des compotes, dès fois un sandwich avec une saucisse », et il rajoute, « je trouve ça bon ». Devant l’appareil photo, la quinzaine de jeunes que nous avons rencontrée affirme apprécier ce repas, mais la principale Sophie Bourdin entend souvent des plaintes sur la qualité gustative, « ceci dit, il n’en reste jamais. Et pendant les vacances, ils râlent parce qu’ils n’ont pas cet apport». Il y aura une contestation de plus ce mardi, celle de Gilles Halbout, « ça le mérite d’exister, mais je ne vais pas vous dire que c’est le repas le plus raffiné, le plus équilibré qui soit. » Les journalistes ont également eu droit à ce morceau de pain peu garni et sans saveur.
Les élèves que nous avons interrogés nous expliquent prendre deux repas chez eux le matin et le soir, « c’est souvent du riz ». Leurs familles participent directement, ou indirectement par ponction sur leur bourse, à 19 centimes pour un repas qui coûte 1,10 euro. C’est la Caisse d’Allocations Familiales qui prend en charge la différence. Sophie Bourdin, la principale, explique son combat pour que tous les élèves aient quelque chose dans le ventre : « Quand je suis arrivée, ils étaient 700 élèves sur les 1.600 d’alors, à prendre la collation. Je me suis bagarrée pour obtenir un quota plus élevé, ils sont maintenant 1.600 sur 1.900 à pouvoir en bénéficier. Les 300 restant déjeunent chez eux, la plupart du temps parce qu’ils n’ont cours que sur une demi-journée. »
Personne n’est logé à la même enseigne de restauration
La descente du représentant de l’Education nationale dans cet établissement ne doit rien au hasard. La rumeur publique, instrumentalisée ou non, avait fait un lien entre la prise de ces repas et le décès du jeune de 12 ans à l’hôpital de Dzoumogné. « Or les parents nous ont expliqué que l’enfant n’a pas pris de collation, et l’analyse des plats consommés ce jour là les met hors de cause. »
Après la visite de la chambre froide, c’est l’occasion pour faire un point sur l’organisation des repas à l’échelle du territoire, la construction des cantines et des 800 salles de classe, sur lesquelles s’est engagé le président Macron.
Actuellement, dans le primaire, personne n’est logé à la même enseigne. Ce sont 4.000 petits déjeuners qui sont servis à certains établissements, rappelle Gilles Halbout, « ils sont pris sur le temps scolaire, et devront être doublés pour la prochaine rentrée, selon la demande du président de la République. Pour arriver à couvrir toutes les écoles, un travail devra être mené avec les communes. » Un système de repas est également fourni à midi, sauf dans les écoles en rotation.
Dans le secondaire, idem, on est à deux niveaux. Environ un quart des collèges, soit 6 ou 7, ont des cuisines satellite, qui reçoivent des plateaux, le reste propose une collation.
L’objectif est bien entendu de pourvoir à terme tout le monde de repas équilibrés, « et sans emballage plastique », rajoute Gilles Halbout. Une gageure.
« L’équivalent de 4 maisons par an, on doit y arriver »
Sur le plan du territoire, le système fonctionnera en 4 cuisines centrales, « pour confectionner les produits en faisant travailler les circuits courts de l’agriculture locale », qui enverront les plats vers les cuisines satellites. La première des quatre devrait naître à Chiconi, « elles doivent être finies en 2025 ». En matière de difficultés, le foncier et bâti devraient laisser la place à l’organisation de filières de production locales. Le préfet Sorain avait poussé à l’autoconsommation en volaille, il va falloir multiplier le défi par le nombre de filières. On pense à la transformation des produits de la mer, toujours dépendante des pontons et des points de débarquement, etc.
Quant aux 800 salles de classe dans le primaire, « tout devra être lancé avant la fin du quinquennat », a lancé Emmanuel Macron, que Gilles Halbout concrétise par, « une grue sur chaque site ». Cela pourra être des extensions d’école ou des créations. Une calculette dans une main, et le téléphone relié au vice-rectorat de l’autre, nous avions livré le constat d’un manque actuel de 792 salles de classe sur l’ensemble de l’île. Les 800 salles vont donc être immédiatement absorbées, et il faudra en plus anticiper sur la démographie à venir.
Gilles Halbout lui aussi fait ses calculs : « En divisant le nombre de salles à construire par les 17 communes, on arrive à 47, soit à peu prés 16 maisons de trois pièces. Avec un rythme de 4 par an, on doit y arriver. Mais pour cela, il faut un suivi mois par mois, de nos équipes et de celle de la DEAL, avec les services de l’Agence Française de Développement. Sinon, ça ne marchera pas. »
Les annonces ayant été multiples par le passé, les médias présents demandent des garanties, « je comprends les Mahorais qui doutent, je souhaite d’ailleurs que la presse assiste à une de ces réunions. Et pour le second degré, j’ai affiché dans mon bureau un grand tableau des programmations. »
Anne Perzo-Lafond
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