“Le risque cyclonique va aller croissant” prévient Emmanuel Cloppet, directeur régional de Météo France. Et si à Mayotte “le risque n’est pas fréquent, on n’est pas pour autant exempts de risque”. Les faits sont là. En 2019, l’Océan Indien a connu un “record absolu” avec 15 tempêtes tropicales, dont 11 sont devenus des cyclones, intenses pour 9 d’entre eux. Par ailleurs “jamais le Mozambique n’avait été frappé deux fois la même année”. Ce pourrait être une année exceptionnelle, mais les scientifiques y voient plutôt une tendance. “Il y a un consensus pour dire que la fréquence des cyclones va augmenter” prévient Emmanuel Cloppet. La fréquence, mais aussi la puissance. Kenneth et Idai ont montré à quelle vitesse un cyclone pouvait monter en force. Et que ce soit avec Kenneth en 2O19 ou Hellen en 2014 “le cyclone le plus intense jamais observé dans le canal du Mozambique”, “on a eu de la chance, ils sont passés à moins de 200km” rappelle le chercheur. Or le moteur de la puissance d’un cyclone, c’est la température. Il se trouve que comme en début d’année, la température de l’eau en surface est de 2°C supérieure aux normales, et celle de l’eau, supérieure d’1,5°C aux normales. Ce qui en plus d’être une anormalité considérable, constitue un vrai risque sur le plan cyclonique.
Selon lui, l’idée que Mayotte serait “protégée des cyclones” par Madagascar n’est qu’ “en partie vraie”. En tout, une quinzaine de cyclones matures ont frôlé l’île, même si seulement deux alertes rouges ont été déclenchées en 40 ans.
Particularité cette année, les projections montrent que les cyclones (on en attend entre 4 et 7 sur la saison) seront concentrés dans la partie ouest de l’océan indien, la plus peuplée. La vigilance est donc de mise.
Combattre l’idée qu’on est à l’abri
Le préfet rappelle deux noms : ” Kamisy en 1984 et Felix en 1985, les deux derniers cyclones sérieux qui ont impacté Mayotte. Cela veut dire qu’il y a 34 et 35 ans que le territoire n’a pas connu un épisode cyclonique sérieux. Ça veut dire aussi que les moins de 35 ans n’en ont jamais connu. Or, nous savons que Mayotte peut subir un cyclone de la même intensité que celui qui a frappé les Antilles, l’idée flotte dans les esprits que nous serions à l’abri, il n’en est rien” enfonce-t-il. Le constat c’est qu’il faut que “la population qui n’est pas acculturée à ce risque ait des réflexes”. En effet “en cas d’alerte rouge, il y a une seule chose à faire : se mettre à l’abri, rester chez soi” indique le préfet.
Chez soi, ou “là où les autorités disent d’aller”. Car avec 40% de logements en tôle, plus les maisons bâties au bord de la mer, le domicile n’est un abri fiable que pour une partie de la population.
“Il y a un nombre considérable de logements précaires sur l’île, abonde le préfet, et une partie non négligeable se trouve sur des terrains pentus, voire dans des ravines, ça demandera de mettre un maximum de personnes à l’abri”. Sur les abris en question “les plans communaux de sauvegarde sont tous à jour” assure le préfet. Il appartient donc aux communes de fournir des lieux sécurisés en cas d’alerte. Mais vu les besoins et le délai très court (trois heures) pour intervenir en cas d’alerte rouge, la crainte de victimes est là. “Est-ce qu’on sera capable de mettre tout le monde à l’abri, je ne peux pas répondre” regrette le préfet. C’est pourquoi plus que jamais, il appelle “à la prise de conscience et à la mobilisation, il faut se préparer et combattre l’idée qu’on est à l’abri”.
Y.D.
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