La CADEMA couvre 87.285 habitants. Ils sont 40 conseillers communautaires à y siéger. Quatre recrutements ont été effectués en 2017 et six en 2018. Fin août 2019, l’établissement compte 13 agents dont un en disponibilité.
Les intercommunalités ont été créées pour mutualiser certaines compétences entre les communes. Elles sont déclinées dans le code général des collectivités territoriales, avec un échéancier sur la France entière. Sur l’ensemble des secteurs qui lui sont dévolus, la CADEMA a choisi de n’en exercer qu’une partie, avec un focus sur la collecte et le traitement des ordures ménagères, « délaissant de fait l’exercice des autres compétences, à l’exception du transport interurbain ». On peut souligner que les communes elles-mêmes à Mayotte n’ont pas encore récupéré toutes leurs compétences.
Un rapport que la CADEMA, présidée par le maire de Mamoudzou Mohamed Majani et dirigée par Nathalie De Loriol, a lu avec attention, en apportant ses explications : « Les compétences sont prises par la CADEMA au fur et à mesure de sa structuration, (…) en n’ayant pas hérité malheureusement, de compétences à un stade de maturité, la collecte des ordures ménagères présentant des marges de progression considérables. »
Des particularités du territoire qui n’auront pas échappé non plus à la Chambre régionale des Comptes, puisque le président Gilles Bizeul que nous avons rencontré, nuançait la portée de ce rapport, « la CADEMA est une structure jeune, nous allons attendre de voir comment elle se comporte dans les années à venir. »
Ce qui n’excuse évidemment pas les dérives, au contraire et mieux vaut prendre le mal à sa racine, afin que les futurs élus sortis des urnes en mars prochain, ne voient pas les interco comme de nouvelles pompes à recrutement.
Une politique de l’habitat à mi-temps
La Chambre note que les procédures de recrutement justement, « ne sont pas toujours transparentes, certaines situations peuvent conduire à un risque de conflits d’intérêts. L’enveloppe indemnitaire des élus communautaires dépasse les plafonds règlementaires. Le versement d’une indemnité de garantie à certains agents ne respecte pas les textes en vigueur. »
Deux exemples en un, sont cités. Celui du poste de directeur de la politique de l’habitat, créé le 6 octobre 2016. La candidate retenue est restée en poste 7 mois « avant de demander et d’obtenir une disponibilité pour l’exercice d’un mandat local ». Entre arrêts maladie et décharges d’activité, « son temps de travail effectif peut être évalué à 45 % », rapporte la CRC.
Remplacée en juillet 2018 par Bacar Ali Boto, premier adjoint à la mairie de Mamoudzou, « recruté en qualité de contractuel pour une durée de trois ans », celui-ci occupera cet emploi « pendant deux mois sans qu’aucune mission ne lui soit confiée ». La chambre recommande à la CADEMA de faire preuve « d’une plus grande transparence en matière de recrutement afin d’assurer une égalité de chances des candidats à un emploi public. »
Pour Nathalie de Loriol que nous avons contactée, la séquence Bacar Ali Boto fut brève à ce poste là, “sa fiche a été réadaptée en rapport avec ses compétences”. Elle explique que les emplois mutualisés avec la mairie, c’est du passe, et informe que « les créations de postes ont été présentées en totalité à l’assemblée, le 26 mai 2018, le 12 juillet 2018 et le 26 septembre 2018 », et justifie son recours aux prestataires extérieurs, « car ses ressources en moyens humains sont à ce jour en interne insuffisants au regard des compétences à exercer. »
La CRC joue les cabinets conseil
Le projet de transport en commun CARIBUS est en bonne place dans le rapport. Initié par la mairie de Mamoudzou, le projet avait stagné un moment avant de reprendre un vrai second souffle avec la création de la communauté d’agglomération. Les deux adjectifs utilisés par la Chambre, « ambitieux » et « indispensable », résument parfaitement ce projet de 145 millions d’euros. Une envergure jamais touchée du doigt par aucune collectivité ici, même pas la départementale, qui mérite autant d’être encouragé que cadré, selon les magistrats.
Ils préconisent logiquement la mise en place d’un budget dédié pour ce transport urbain, alertent sur un plan de financement « fragile en raison du caractère incertain de l’autofinancement apporté par la CADEMA », et surtout de demandent de définir le mode d’exploitation : « L’établissement a la possibilité soit de gérer directement le service par le recours à une régie, soit d’en confier la gestion à un tiers par le biais d’une concession ou délégation de service public (DSP). Le mode de gestion des réseaux de transport le plus répandu est celui de la DSP ». En tout état de cause, la CADEMA doit s’assurer que le projet est finançable en investissement mais également en exploitation. » Des recondamnassions utiles, la CRC joue quasiment les cabinets conseil !
La CADEMA prend note et se veut rassurante sur la décision de l’exploitation : « Le mode d’exploitation du CARIBUS fait actuellement l’objet d’une analyse, l’orientation est une DSP mais cela reste encore à soumettre à la décision de l’assemblée. Concernant l’existence d’un budget annexe, (…) il sera établi dès le budget 2021, il sera donc doté d’un compte spécifique, comme vous nous le recommandez. »
Un gage de sérieux
Attention également au foncier. Si, comme nous l’avait signalé Mohamed Hamissi, chef de projet CARIBUS à la CADEMA, celui de la Colas et de Tetrama va être maitrisé par une déclaration d’utilité publique à Kawéni, en front de mer de Mamoudzou, la situation semble plus tendue, « le foncier disponible entre la parcelle réservée au projet hôtelier et la mer est insuffisant pour intégrer l’ensemble des aménagements du projet CARIBUS qui nécessite une largeur minimale de 35 mètres à cet endroit. » Une modification du permis de construire aurait été demandé au promoteur rde l’hôtel.
Sur un territoire où les intercommunalités se montent cahin-caha – voire pas du tout au nord – la CADEMA a donc fait preuve de volontarisme. D’ailleurs, aux quatorze recommandations de la Chambre, quatre relatives à la régularité et dix à la performance, la CADEMA répond quasiment point par point.
Toutes les collectivités ou EPCI ne le font pas. Un gage de sérieux qui aura sans doute pesé dans le constat final de la CRC : « Si durant les deux premières années de son existence, la CADEMA a souffert d’une absence de vision stratégique, l’adoption d’un projet de territoire en mai 2019 constitue une avancée positive qui devrait permettre à l’établissement d’organiser sa montée en puissance dans les années à venir et exercer la plénitude de ses compétences. »
(Lire le rapport et la réponse de la CADEMA ROD 2_CADEMA)
Anne Perzo-Lafond
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