“Dansons la Carmagnole”. La musique choisie, chant révolutionnaire, tranche avec le discours très posé de la vidéo présentée aux 40 récipiendaires. Le clip alterne les images de la vie courante en France tandis que la voix off détaille les droits et devoirs auxquels se sont engagés les nouveaux Français. La voix définit la laïcité “même si la France est un pays de tradition chrétienne” et plaide “le respect de la loi et des autres”.
Les valeurs de la République ont aussi au coeur du discours du préfet Jean-François Colombet adressé à ces récipiendaires de la nationalité française, originaires des Comores, de Madagascar mais aussi d’Espagne, de Pologne ou du Royaume Uni. Une diversité qui “vient enrichir la communauté nationale” indique le préfet tout en précisant que “la France ne peut accueillir indistinctement tous ceux qui veulent s’y établir”. Sur la laïcité, il rappelle que la pratique religieuse est affaire privée, garantie par la loi, mais que “l’Etat veille à ce que les modalités d’expression de la foi n’aillent pas à l’encontre” des règles de la République, notamment les pratiques intégristes ou sectaires.
Français et européens de fait
Il s’est attardé sur la devise nationale, liberté, égalité et fraternité. Des valeurs pas si évidentes. “Si on va au bout de la liberté, nous n’aurons plus d’égalité, estime le préfet. Il y a des gens qui marchent très vite et prospèrent, et d’autres qui ont besoin de soutien. Les deux se combattent. D’où la fraternité qui consiste à tendre la main et qui rend compatible la liberté et l’égalité”. Souhaitant la bienvenue à ses hôtes, le préfet rappelle que l’immigration fait partie de la France, “terre d’asile et d’accueil”. Sur “66 millions d’habitants, un tiers ont un parent ou un grand-parent d’origine étrangère”.
Parmi les récipiendaires, James Prichard est professeur d’anglais. Pour lui la nationalité française est la garantie de rester européen, alors que le Royaume uni est secoué par le Brexit. “Je suis en France depuis 1989, et j’ai toujours profité de l’identité européenne pour être chez moi en France. Mon parcours est celui d’un citoyen européen. Aujourd’hui il s’agit pour moi de légitimer ma présence en France tout en préservant mon identité européenne. Le Brexit rend les choses plus compliquées. Et devoir demander un titre de séjour après 27 ans sur le territoire, c’est difficile. Mais attention, on ne fait pas cette démarche par opportunisme, il s’agit juste de ne pas repartir en arrière, c’est pour moi un éloge à l’identité européenne”.
“Libération”
Un éloge et même “une libération” pour les trois amies Asina, Anrifa et Mina. Deux sont nées aux Comores, une autre à Madagascar. “C’est une sorte de libération, on vivait une sorte de frustration en côtoyant des Français sans avoir nous-même la nationalité, on se sentait écartés” expliquent-t-elles, chacune poursuivant la phrase interrompue par des moments d’émotion. Entre rires et larmes, une quatrième quitte le groupe et s’éloigne, signe de l’intensité de cette cérémonie, la première de l’année à Mayotte.
Parmi les mauvais souvenirs, une des amies décrit cette scène du lycée. “Quand j’étais en terminale, on a organisé un voyage à La Réunion. Tous les élèves en parlaient mais moi je n’osais rien dire car je n’avais pas le droit de partir”. “Après le bac c’est pareil, on ne peut pas quitter Mayotte pour poursuivre les études” déplore une autre.
A tous la nationalité ouvre désormais des portes qui leur étaient fermées. Ils rejoignent ainsi les quelque 100 000 étrangers naturalisés chaque année en France.
Quelles conditions pour être naturalisé ?
Les naturalisations sont rares à Mayotte. Une seule cérémonie de 40 personnes en 2019. Deux cérémonies en 2018. Il faut pour y accéder justifier de 5 ans au moins de résidence sur le territoire, d’une situation d’insertion professionnelle, idéalement en CDI et d’une bonne maîtrise de la langue, qui passe par un examen. Enfin il faut être à jour de ses obligations fiscales et satisfaire à une enquête de moralité.
Y.D.
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