“Vous ne trouvez pas qu’il y a beaucoup de choses à construire ici?” La réponse n’est pas celle qu’attendaient ces jeunes de la Maison des Ados, qui au siège de l’association Mlézi Maoré ont pu rencontrer la secrétaire d’Etat Christelle Dubos. En effet, les adolescents -presque tous majeurs- avaient de nombreuses questions à poser à la représentante du gouvernement, ce n’est pas une rencontre qu’on fait tous les jours. “J’ai besoin de rencontrer des jeunes pour instaurer un dialogue, ils ont posé des questions, ce dialogue est important et doit être constant”.
La ministre a pris le temps de l’échange, de l’écoute, mais ses réponses n’ont pas toutes répondu aux espoirs.
Ainsi, une jeune femme de Kawéni expliquait à Christelle Dubos comment elle s’était retrouvée coincée après avoir renoncé à la délinquance, fait le choix du travail et obtenu son baccalauréat.
“Avant, je faisais des bêtises, les policiers me disaient ‘concentre toi sur tes études’. J’ai arrêté les bêtises, j’ai eu mon bac en 2018, mais je ne peux pas sortir à cause des papiers. Cela fait deux ans que je reste ici sans rien faire, car sans papiers, on est obligés de rester à la maison. J’ai même des copines qui ont recommencé les bêtises. Maintenant elles sont en prison, c’est parfois mieux que rester à la maison”.
Un témoignage fort qui en dit long sur une des causes de l’errance de certains jeunes qui se tournent vers la violence, à la fois coincés sur le territoire de Mayotte, et interdits d’y étudier ou d’y travailler.
“Vous avez essayé au CUFR ?” lui demande la ministre. “Oui, ils ont dit que sans les papiers, je ne pouvais pas y aller” répond la bachelière. “On va se renseigner” promet Christelle Dubos sur ce point précis. Toutefois, la question de la mobilité des étrangers ayant obtenu leur baccalauréat n’est pas un sujet qui est sur la table.
“Là où il y a un enjeu, c’est que Mayotte se dote de formations en interne. Tous ne travailleront pas dans le BTP, il y a aussi les services de maintien à domicile, la petite enfance, le soin infirmier, le paramédical. L’enjeu c’est comment la formation se passe à Mayotte. Faut-il envoyer systématiquement les jeunes en métropole alors qu’ils pourraient réussir ici, sur leur territoire ? Je ne dis pas qu’on ne doit pas les envoyer, loin de là, j’essaye de trouver l’équilibre pour que la jeunesse d’ici puisse avoir une perspective. La perspective, est-ce que c’est de prendre un avion et partir ? La perspective, c’est aussi de construire son territoire, d’être fier de son territoire, il y a un potentiel qui est énorme ici. Quant à la question de l’université d’ici, nous allons regarder”.
Y.D.