Tout serait parti d’une tentative de décasage près de la côte Sogéa. Selon le procureur Camille Miansoni les événements de la journée de dimanche se déroulent en trois actes. Le premier c’est dans un banga que la tension monte. Un propriétaire désireux d’expulser un occupant aurait fait appel à des soutiens de Mtsangamouji. Une action qui finit mal puisqu’un homme se fait renverser par une voiture, qui pourrait être conduite par un des habitants du nord de l’île venus en renfort du propriétaire selon les témoignages. Ce premier acte présente encore bien des zones d’ombre que l’enquête confiée au commissariat devra éclaircir.
L’acte 2 commence juste après cet “accident”. Un équipage de la brigade anti criminalité (BAC) rentre au commissariat et voit l’homme au sol, qui semble évoquer un accident avec délit de fuite. Le chef d’équipage commence à interroger les riverains tandis que son collègue s’occupe du blessé, selon un résumé dressé par Bacar Attoumani, secrétaire du syndicat policier Alliance. Un témoin qui pourrait être le propriétaire du banga répond au policier, complète le parquet, mais ce témoin est alors pris à partie par un troisième homme désireux de le faire taire. Il le frappe à plusieurs reprises à la tête avec une matraque télescopique, causant une hémorragie importante. Le policier le somme de s’arrêter, et voyant le flot de sang, finit par sortir son arme et tire une balle. Le projectile frappe l’agresseur à l’abdomen, cette blessure lui sera fatale.
Pour le syndicat Alliance, il ne faut guère de doute que les conditions légale de la légitime défense sont réunies. Pour son secrétaire, le tir était ” nécessaire, proportionné et concomitant à l’action” et visait à “sauver une vie”. Le policier auteur du tir a été placé en garde à vue à la section de recherche de la gendarmerie pour “violence volontaire par agent de la force publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner”, une procédure standard dans ce type de faits, qui vise aussi à protéger le fonctionnaire d’éventuelles représailles. Des menaces de mort ont été proférées à son encontre sur les réseaux sociaux.
Pour Bacar Attoumani, ces événements traduisent la réalité d’un “boulot de plus en plus compliqué”. “La question c’est quelle doit être l’action de la police confrontée à une agression à arme blanche. Quand un policier somme un individu de stopper une agression, combien de fois il doit se répéter ?” s’interroge-t-il. Dans ce contexte, le syndicat appelle à plus de recul. “Nous soutenons fermement notre collègue, personne ne peut se mettre à sa place, il a agi pour sauver une vie, et nous appelons au calme, les policiers sont des humains comme les autres.” Il rappelle que l’usage d’arme par un policier n’est “pas un droit de tuer, c’est un droit de se défendre soi même et de défendre autrui”.
En tout cas cet épisode, le plus dramatique de la journée par son issue fatale, est aussi le plus documenté pour les enquêteurs, en raison de nombreux témoins. Lesquels “semblent corroborer la version du policier” indique le procureur Camille Miansoni.
Enfin ces événements tragiques ont vraisemblablement déclenché ceux du soir, l’acte 3, “les représailles du quartier”.
Vers 19h30, des petits groupes de jeunes commencent à se rassembler et à dresser des “petits barrages” indique Bacar Attoumani. Une manière bien rodée d’attirer les forces de l’ordre. Puis commencent les actes de caillassage et de harcèlement. Une action qui semble “coordonnée” selon le syndicaliste puisque tandis que des bandes d’ados occupent les policiers, des adultes s’introduisent dans les magasins.
Quand pillage rime avec caillassage
« Ils étaient une cinquantaine, ils ont tout saccagé sous mes yeux ! » Caoneine Akbaraly, responsable de l’enseigne SOMACO à Mayotte, est dépitée. Les marchandises jetées à terre et brûlées s’étalent sous ses yeux : canettes, fruits, chaussures… les employés dégagent les produits détériorés sur le trottoir, « j’espère que les service de la mairie vont tout évacuer ».
Plus loin, les agents de la ville de Mamoudzou, appuyés par ceux de la DEAL, nettoient la chaussée constellée de gravats, de pierre et de projectiles lancés sur les forces de l’ordre et contre les vitres des magasins.
La gérante de SOMACO est d’autant plus abattue qu’à son sens, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues immédiatement, « les gendarmes étaient présents sur place à 21h lors du saccage, mais ils m’ont dit qu’ils attendaient les ordres d’en haut ». Même écho du côté de Tati, également saccagé. Tenu en échec par les forces de l’ordre dans leur tentative d’intrusion au Douka bé, les auteurs des violences s’en sont pris à l’enseigne rose, en pénétrant par les deux entrées, après en avoir brisé les carreaux.
Là, un témoin évoque une soixantaine de jeunes. Certains pavés utilisé pour briser les vitres côté parking étaient si imposants “qu’ils les portaient à deux” indique ce riverain. Selon lui, la police arrivée côté route pouvait voir des “bouénis” qui mettaient le magasin à sac à l’intérieur. Il leur a fallu briser une vitre en façade pour entrer et disperser ces pillards qui succédaient aux casseurs.
A la suite de la blessure par balle occasionnée par le policier en matinée, la police nationale avait mis en place un dispositif de surveillance renforcée. Mais selon nos informations, ils auraient été dépassés par le nombre d’assaillants des boutiques, qu’ils évaluent à une centaine, et ont du attendre les renforts de la gendarmerie, « heureusement que nous étions là, car ils étaient partis pour tout casser. Ça a été très violent, ils ont lancé un nombre incalculable de pierres », nous explique un des responsables de la police nationale. Deux fonctionnaires sont légèrement blessés indique Bacar Attoumani.
Les responsables de Tati indiquent procéder à l’inventaire des dégâts, quand du côté de SOMACO ont a déjà une idée de l’ampleur du préjudice, il faut dire que le magasin n’en est pas à sa première dans cette zone jadis chaude, de Kawéni : « Je l’évalue à 100.000 euros environ. Rien qu’en matériel informatique, détruit et brûlé, il y en a pour 30.000 euros auxquels il faut rajouter le luminaire, et toutes les marchandises. Ils s’en sont même pris à l’imprimante ! », rapporte toujours Caoneine Akbaraly, qui avertit que le magasin ne pourra pas rouvrir avant une semaine au moins. Du côté de Tati, on espère une réouverture dès ce mercredi. Les agents s’affairaient ce lundi à remettre en rayon ce qui pouvait l’être tandis que la police scientifique relevait les empreintes laissées çà et là, et exploitait la vidéo surveillance. Les gardes à vue en cours ce matin ont été levées, jugées peu concluantes, mais les nombreux éléments recueillis devraient donner du grain à moudre aux enquêteurs.
Selon un communiqué de la préfecture “qui condamne très fermement ces faits”, le dispositif de sécurisation du quartier “sera reconduit aussi longtemps que nécessaire.”
La rédaction