Arrivés au compte-goutte, puis rejoints par les principaux syndicats de la profession, des policiers ont répondu à l’appel du Collectif des Citoyens à soutenir leur collègue. Ce dernier, auteur d’un coup de feu mortel dimanche dernier à Kawéni, a été placé depuis sous le statut de témoin assisté, premier pas vers une reconnaissance de la légitime défense.
Pour les collègues du fonctionnaire visé par l’enquête qui se poursuit -avec notamment une autopsie prévue ce vendredi-, c’est un soutien naturel que chacun aimerait recevoir en pareilles circonstances. Le risque de devoir se servir de son arme et d’en supporter les conséquences, tous vivent avec au quotidien, et l’appréhendent. “On y pense, c’est sur, indique un des policiers présent au rassemblement devant la préfecture de Mamoudzou. Quand on ôte la vie à quelqu’un, psychologiquement c’est dur, c’est une grosse responsabilité. Quand on utilise l’arme, c’est toujours lié à la légitime défense de soi ou d’autrui, mais l’appréciation des faits qu’on a soi même et celle du juge, c’est délicat, ce qu’on vit dans le moment et ce qu’une tierce personne va analyser après, il y a un décalage.” Cet agent appelle à prendre de la distance et à laisser courir l’enquête.
“Il a eu beaucoup de dénigrement, c’est bien qu’il y ait un soutien de la population. Sur les réseaux sociaux il y a eu des propos très durs, le policier a fait son boulot, il faut laisser la justice faire son enquête.”
Du côté du collectif des citoyens, à l’origine du rassemblement, le porte parole Saïd Mouhoudhoiri souhaite “apporter notre soutien à ce policier qui est menacé d’agression car il est fiché à Kawéni, et nous voulons dire que nous sommes tous derrière les forces de l’ordre. Nous sommes dans un pays de droit. Nous pensons que ce jeune homme a le droit d’être soutenu, il est venu pour nous, avec femme et enfants, on ne va pas le laisser comme ça tout seul.”
“Sinon plus personne ne voudra venir ici” s’inquiète Safina Soula, autre porte parole historique du Collectif qui dénonce aussi “le fait de répondre par la violence et le pillage de magasins”.
Peu après, le petit groupe était renforcé par des syndicats policiers venus grossir les rangs.
Une alliance de circonstance qui peut laisser perplexe. Le Collectif n’a en effet pas toujours été un ardent défenseur de la police, notamment quand celle-ci avait ordre de cadrer les manifestations en 2018. Deux militants avaient notamment écopé de prison avec sursis pour avoir violenté le commissaire Philippe Jos et son adjoint le commandant Stéphane Demeusy.
Un passif que relativise le porte parole du mouvement. “C’était moi”, indique Saïd Mouhoudhoiri pour qui “il y a violence et violence”. Si pour lui “jamais un Mahorais n’a agressé un flic”, les événements de février 2018 font l’objet d’une interprétation personnelle.
“Le commandant est venu vers quelqu’un, cet individu s’est défendu, il y avait une manifestation, les flics balançaient des gaz lacrymogènes, c’était chacun pour soi et Dieu pour tous. Lorsque le policier m’a bousculé, je l’ai bousculé aussi, pour lui montrer que nous sommes à égalité, je ne suis pas un sous-homme et ce n’est pas un superman”.
Mais ce matin, l’heure était à l’union sacrée et le passé a été mis de côté le temps d’un message commun à faire passer ensemble.
Y.D.