L’année commence avec un nouveau président, arrivé il y a quelques mois déjà : Laurent Ben Kemoun. Peu habitué à garder sa langue dans sa poche quand il lui paraît nécessaire de s’en servir, il a déroulé ses priorités pour le tribunal.
Il s’est notamment longuement intéressé aux locaux de l’institution, dont les deux bâtiments montrent un important constate en termes de modernité. Dans le bâtiment le plus récent, il a dénoncé la « geôle tellement caricaturalement navrante, qu’on la croirait sortie de l’imagination peu fertile d’un scénariste » Le commandant du RSMA a même proposé d’y mener quelques travaux. “Qu’est ce qu’on attend pour donner suite à sa proposition ? ” s’écrie le président du tribunal.
La geôle, c’est la pièce où patientent les personnes privées de liberté qui doivent être présentées à un magistrat. La pièce présente un niveau d’équipement extrêmement limité : un sol en béton, une banquette et un toilette, et un niveau de propreté plus que douteux, entre traces de saleté et graffitis aux murs. On y flirte aux limites de la dignité humaine et de l’indécence.
C’est pourtant dans cette pièce qu’avaient lieu jusqu’à il y a peu les entretiens entre avocats et mis-en-cause, dans les conditions qu’on imagine et que les robes noires ont dénoncées jusqu’à obtenir un local plus confidentiel.
Les travaux à mener, ce sera aussi au niveau des ressources humaines. Le président veut travailler à la cohésion dans l’équipe “qu’il s’agisse de cadres A, B ou C” et à améliorer les conditions de travail.
Cela passera nécessairement par la réparation des dégâts liés à la grève EDM, depuis laquelle la grande salle d’audience généralement surclimatisée, s’est d’un coup trouvée parfaite pour une cuisson à l’étuvée.
“Belle gageure que de prononcer un discours de rentrée dans des conditions aussi chahutées, quand une grève de la compagnie d’électricité détruit une partie du matériel de la juridiction et s’ajoute à une autre grève qui se borne à paralyser la juridiction, celle de nos excellents ,estimés, appréciés et taquins avocats” exprimait non sans humour le magistrat.
Ces derniers avaient d’ailleurs prévu une petite action, par le biais d’une caisse de solidarité pour les aider à financer leur grève, qui porte sur la fusion des juridictions et la réforme des retraites. Le député Mansour Kamardine, présent en tant que parlementaire et non qu’avocat, y a mis les premières pièces.
Le procureur de son côté est revenu sur les chiffres de la délinquance déjà présentés, assurant n’avoir ” aucune prétention de vouloir affirmer que nous aurions réglé le problème de la délinquance et de la criminalité à Mayotte ” et raillant ceux qui lui imputent ladite délinquance. Il note toutefois une hausse des plaintes de 9% et une hausse des décisions de justice, condamnations comprises, de 12%, signe d’un meilleur fonctionnement de la juridiction qui a reçu des renforts de greffiers et de magistrats.
Le tribunal devra toutefois composer cette année avec le départ, l’un en retraite, l’autre en mutation, de deux de ses juges les plus expérimentés, les juges Bouvart et Zahi, la dernière occupant le poste très stratégique à Mayotte de juge des enfants.
Y.D.
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