Le changement est passé presque inaperçu à Mayotte. Depuis le 19 novembre dernier, les secours en mer à Mayotte dépendent du Cross (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) Sud-océan Indien basé à La Réunion. Jusque là c’était la base navale qui centralisait les appels au secours et coordonnait les opérations en local.
Mais alors pourquoi transférer ce service à La Réunion s’il était géré sur place ?
“L’intérêt c’est que nous sommes un centre armé 7 jours sur 7 avec des gens formés à ces missions de sauvetage de la vie humaine, tous nos opérateurs on fait de la formation, de l’entraînement, c’est notre cœur de métier” explique François Garcia, officier de Marine au Cross.
La grande différence, c’est que depuis bientôt 4 mois, les appels au secours émis en mer sont traités à La Réunion, qui coordonne ensuite les moyens nautiques et aériens à Mayotte. “Notre 1er réflexe c’est de procéder au recueil des éléments de l’alerte, on va chercher à savoir qui appelle, où il est, quel est le problème, pour éclaircir toutes les circonstances de la détresse potentielle pour adapter le dispositif de sauvetage le cas échéant.”
Mais encore faut-il connaître les numéros à contacter en cas d’incident en mer.
Depuis ce transfert de compétence à La Réunion, les agents du Cross suivent des formations régulières à Mayotte pour se rendre compte de la réalité du terrain, des complexités du lagon, et mieux en connaître les acteurs. Ils ont ainsi pu se rendre compte que le numéro unique depuis un téléphone portable, le 196, et le canal 16 de la VHF (radio marine) restent méconnus de nombreux marins à Mayotte, notamment les pêcheurs.
“De ce qu’on a pu voir, tout le monde ne connaît pas”, résume l’officier qui est engagé dans une campagne d’information.
Le 196 et le Canal 16 encore trop peu connus
“Venir sur place nous permet de rencontrer les partenaires, discuter des procédures, échanger sur des retours d’expérience mais aussi se rendre compte de l’étendue du lagon, repérer les amers : on a pu bien cerner l’environnement et prendre conscience du contexte local, avec un fort volet sur la LIC, on essaye de comprendre comment on s’insère là dedans. Le gros temps fort ça a été la rencontre avec la communauté des pêcheurs. Il y a eu plusieurs volets : présenter qui nous sommes, nos missions… On a fait un focus sur la prise des éléments de l’alerte pour qu’on ait les éléments les plus précis possibles. On a présenté les 2 numéros et les bons réflexes à adopter en mer (gilet de sauvetage, téléphone charge, nourriture (…) “On a ciblé particulièrement les pêcheurs qui sont la population professionnelle la plus accidentogène, plus que le bâtiment. Il faut qu’ils prennent conscience que quand ils partent en mer, ils doivent informer au delà de leur communauté. On communique aussi auprès des plaisanciers et des plongeurs”.
C’est par exemple un appel au 196 qui a déclenché les opérations de recherche des deux navigateurs qui ont trouvé la mort fin février au large de la pointe Mahabou. Alerté par un plaisancier, l’opérateur du Cross a contacté le commissariat et alerté les embarcations à proximité, notamment la barge et la Verdon de la gendarmerie maritime. 24h après, les espoirs de retrouver les disparus en vie s’estompaient, et les recherches étaient confiés au parquet de Mamoudzou. Là, “on bascule sur le parquet pour une phase de recherche de corps. On sort de la logique sauvetage” précise l’officier.
Une logique de sauvetage qui va au delà des seuls plaisanciers et pêcheurs. Ainsi lundi 2 mars, “on a été alertés à 11h50 que 6 personnes avaient été récupérées par des navires de plaisance dans le sud. En se basant sur les déclarations d’un des rescapés, on est partis sur le chavirement d’une embarcation de type kwassa dans la nuit de dimanche à lundi. On a déployé d’importants moyens dont l’hélicoptère Panther de la frégate Floréal qui était en mission aux Glorieuses.” Les moyens déployés ont permis de sauver 4 autres naufragés, et de découvrir un corps sans vie. Le nombre de disparus en mer a été établi à 9 personnes.
Néanmoins si les opérations du Cross croisent parfois celles de la Lic en mer, sa mission “ce n’est pas de la LIC, c’est de la recherche et du sauvetage de la vie humaine” insiste François Garcia. Une mission que lui et ses collègues vont continuer à améliorer dans les mois qui viennent. “On est dans une phase de progression où on continue à bien appréhender Mayotte” conclut-il.
Y.D.