Du Plan Jeunesse de François Hollande au Plan d’action contre les violences présenté ce mercredi par le préfet Colombet, le président Soibahadine et le recteur Gilles Halbout, Mayotte aura connu tout un tas de Schémas, d’Assises et de Plans pour venir à bout de l’insécurité. « Et pourtant, on n’y arrive pas ! », s’exclamait la député Ramlati Ali dans l’hémicycle lors de la présentation des nouvelles mesures. En écho et en explication, le sénateur Thani Mohamed expliquait que la situation résulte d’un manque d’actions de ces 15 dernières années, « certains ‘oublieux’ se gardent de le souligner ! »
Le côté positif de ce Plan, c’est la coordination des acteurs et la volonté politique qui semble animer le Département, comme l’avait traduit la dernière séance plénière, pour « trouver des solutions concrètes afin de sortir de cette spirale », pointait le président Soibahadine ce mercredi. Si les mesures annoncées autour de 3 axes remettent de la proximité dans la surveillance du territoire avec le grand retour des « gilets jaunes » ou oranges, elles ne sont que partielles.
Des « gilets jaunes », idée lancée par le capitaine Chamassi en février 2018, qui avaient permis de pacifier considérablement les quartiers, et qui ont été revu et corrigé par la préfecture sous l’appellation de Brigades de Vigilance Citoyenne. « Nous allons confier aux associations Mlézi Maore, Croix Rouge, Fahamou Maecha et Messo le recrutement de 600 bénévoles, qui seront encadrés par 100 emplois aidés, qui seront là pour ouvrir des médiations », expliquait le préfet Jean-François Colombet. C’est le cœur du projet.
« Il faut pouvoir circuler la nuit sans inquiétude »
Les « gilets », « des français ou des gens en situation régulière », ne seront donc plus « drivés » par une association ou par des professionnels mais par des contrats de courte durée. Ce n’est pas le choix le plus judicieux, et la formation devra être pointue, ce qui laissait interrogateur l’association Mlézi Maore, « nous discuteront de tout ça ultérieurement avec vous », tranchait le préfet.
Ce dispositif des Brigades de Vigilance citoyenne, vus par certains comme des milices, et par d’autres comme un désengagement de l’Etat dans son rôle régalien de sécurité, est une réponse de proximité qui a fait ses preuves. Il est inclus dans l’axe Médiation du Plan, aux côtés de deux autres, l’axe Sécuritaire et celui portant sur la Prévention de la délinquance.
Les forces de sécurité auxquelles il était reproché de privilégier la lutte contre l’immigration clandestine, sont considérées comme en « nombre relativement réduit » à Mayotte, par le rapport de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Pas d’annonce d’arrivées supplémentaires, Jean-François Colombet mettait plutôt en évidence leur accroissement, « nous sommes passés de 500 Equivalents temps plein en 2011, à 1.000 en 2020 ». En revanche, elles seront « davantage présentes sur l’espace public, mais aussi, tôt le matin aux abords des établissements scolaires », « avec davantage de visibilité, surtout la nuit, il faut pouvoir circuler sans inquiétude ». Une décision « d’application immédiate ». Il y aura un positionnement de gendarmes et de policiers sur les lignes de bus sensibles.
Des Assises de la Jeunesse comme réponse à tout
Enfin, sur le volet de la prévention de la délinquance, et des CLSPD* le préfet a conscience que les maires ne parviennent pas à faire sortir les dispositifs qui répondent à la délinquance juvénile. Pour répondre à ces problématiques, des Assises de la jeunesse sont annoncées pour le mois de juin. « Des ateliers, 5 ou 6, dirigés par des élus ou des associations seront mis en place, sur des thèmes comme le périscolaire et la déscolarisation. »
Nous reviendrons sur les lacunes des mesures, qu’il est toujours possible de revoir, notamment sur l’absence d’accompagnement des familles ou des référents parentaux. Répondant à notre interrogation le préfet évoquait la possibilité de trouver des solutions lors des Assises de la Jeunesse.
Evoquant le volet scolaire, le recteur Gilles Halbout citait Victor Hugo, « chaque fois qu’on ouvre la porte d’une école, on ferme une prison. » Ce sont ainsi 2.000 jeunes supplémentaires de 15-18 ans qui seront scolarisés en formation professionnelle, « et qui ne seront donc pas dans la rue ». Ses trois piliers à lui tournaient autour du renforcement. De la scolarisation tout d’abord, grâce notamment à « la prévision de construction de 8 collèges et de 4 lycées », de la sécurisation ensuite, « sans transformer nos établissements en prison avec douves et remparts », ironisait-il. Une soixantaine de personnel de surveillance est en cours de recrutement. Enfin, renforcement de la prévention, avec l’élargissement du dispositif des élèves pairs d’assistance à la médiation.
Puisque la proximité était le mot du jour, le recteur appelait à nommer les différents types de délinquance pour mieux les traiter, « c’est que nous sommes en train de faire à travers l’Observatoire de la violence. Un élève qui souffre de déshérence familiale de la part du papa ou de la maman, ne sera pas pris en charge de la même manière que celui qui fait partie de bandes cagoulées. »
Nous reviendrons sur les réactions à ce Plan coordonnés contre les violences.
Anne Perzo-Lafond