Difficile d’être précis sur le nombre. Selon un de nos confrères, journaliste indépendant en Union des Comores, peu de kwassa (il l’écrit kwasa prononciation qui équivaut à nos « ss » français) étaient interceptés en tout cas, « mardi après-midi, des kwasa ont été signalés à Kangani et Sandapoini, dans le Nyumakelé. Mais comme souvent, les passagers disparaissent dans la nature. Ironie de l’histoire, comme lorsqu’ils arrivent à Mayotte, les kwasa déchargent leurs passagers et repartent incognito », écrit E.M. dans Al-Fadjr. Car les autorité comoriennes ont mis en place une opération d’interception de kwassa, contrôlée par le président Azali mercredi dernier, qui a rejoint son ministre de la santé et le directeur de cabinet en charge de la Défense à Anjouan, « pour une visite des postes militaires de contrôle des côtes, à Ouani et à Bambao. La stratégie est clairement annoncée, ‘toutes les personnes venues de Mayotte ces derniers jours doivent être placées en quarantaine’ ».
Notre confrère journaliste rapporte les propos du maire de Ongojou (Anjouan) qui analysait que la plupart, « sans papiers français » et vivant de petits boulots, « ne peuvent plus se rendre dans les champs (à Mayotte, ndlr) à la suite des mesures de confinement décidées par les autorités de l’île». La plus probable des explications, bien que perdure la crainte que certains soient porteurs du virus et souhaitent se soustraire à la quatorzaine.
Nos confrères de Mayotte la Première rapportaient qu’il y a eu depuis la semaine dernière au moins une dizaine de débarquements, « la population des localités de Domoni, Nyumakélé et Ouani commence à s’inquiéter de ces arrivées craignant l’importation du Coronavirus depuis Mayotte ». Et soulignent l’ironie de l’histoire, « les gardes côtes comoriens, dont la France demandait en vain depuis des années qu’ils luttent contre les départs de kwassas vers Mayotte, sont maintenant mobilisés contre les arrivées depuis Mayotte. »
Quand Mayotte devient française pour les dirigeants comoriens
Pour E.M., avec cette attitude, les dirigeants comoriens ont loupé le coche : « Dans ce contexte particulier où une île des Comores (Mayotte dans la vision comorienne, ndlr) est affectée par le virus -subitement elle devient française dans la bouche de ceux-là même qui dénoncent une annexion-, ces invectives de part d’autre, et surtout de la part comorienne, dévoilent une conception curieuse du patriotisme. Faut-il assener qu’un peuple, qu’un pays se soude face à l’épreuve, et que c’est dans sa capacité à créer des solidarités que les individus forment une communauté nationale ? L’Union des Comores a manqué encore une occasion d’affirmer la grandeur d’une nation, en exprimant d’abord sa solidarité aux frères comoriens de Mayotte touchés par l’épidémie, en négociant ensuite avec les autorités administrant cette île, des moyens coordonnés pour acheminer ceux qui souhaitaient retrouver leur île d’origine. »
Peut-on en déduire que cette analyse souligne une évolution chez les dirigeants comoriens, commencée avec la signature d’un Pacte qui mentionnait la lutte contre « l’immigration vers Mayotte » ?
En tout cas, selon Mayotte la Première, le trafic est malgré tout « toujours aussi important dans le sens habituel, et risque de s’accentuer, car il y a une rumeur persistante de début d’épidémie à Moroni », justifiant la crainte de la directrice de l’ARS de voir le système de santé « embolisé » à Mayotte, et la proposition de la maire de Chirongui de solliciter les établissements de la région.
Anne Perzo-Lafond