Si la ministre n’était venue que pour assurer la promotion du masque, ce serait déjà une réussite. Pas une séquence sans ce nouvel accessoire de la vie publique, que s’était déjà massivement appropriée la population. Et il était au centre de toutes les attentions, puisque la grosse commande passée par le Département qui avait anticipé sur cette pénurie (il faut le saluer) en tout début d’épidémie, est arrivée mardi avec la ministre, on n’y croyait plus !
Ce sont 850.000 masques qui sont arrivés sur le tarmac de Pamandzi. La priorité étant donnée au personnel soignant, c’est quasiment un cadeau de 600.000 euros que le Département fait là. « Nous offrons 500.000 masques chirurgicaux et 100.000 FFP2 à l’ARS qui sera chargée de leur répartition », retraçait le président du CD Soibahadine Ramadani. En rappelant que 450.000 masques grand-public ont déjà été distribués cette semaine à la population dans l’objectif de fournir un masque à chaque habitant. Les 250.000 msques restant sont réservés au personnel du conseil départemental.
Cette opération de communication autour de ce joli cadeau, fut l’occasion avant le départ de la ministre, de discours politiques.
Le président du conseil départemental qui a jusque là affiché un soutien sans faille aux actions menées par la préfecture, profitait de la tribune pour porter 3 revendications. La première concerne l’insécurité, et frôle la polémique qui avait mise en cause la ministre sur son annonce des 45% de baisse de la délinquance : « Pour faire respecter le confinement et faire stopper les combats de boxe traditionnelle, nous notons un nécessaire renforcement des effectifs de forces de l’ordre », glissait le président. La ministre avait annoncé sur le plateau de Mayotte la Première, non sans raison, qu’il s’agissait de jeunes désœuvrés, mais sans rapporter de renforts supplémentaires.
« Il n’est pas question d’encourager l’immigration clandestine »
Sa deuxième demande porte sur la convergence des droits sociaux, « que j’ai déjà exprimée au chef de l’Etat lors de notre dernier échange », et qui permettrait d’abaisser le seuil de pauvreté. La 3ème porte sur une des annonces du président de la République lors de son passage à Mayotte, le deuxième hôpital : « J’espère qu’il sera rapidement mis en œuvre pour lutter efficacement contre les difficultés sanitaires de l’île. »
Il n’aura pas eu de réponse, chacun étant là pour défendre sa paroisse. Dominique Voynet revenait sur ce qu’elle résume comme « la saga des masques », pour justifier l’évolution des consignes, vers le port indispensable du masque qui n’était au départ pas conseillé lorsqu’on n’était pas malade : « Au début, nous nous considérions comme relativement préservés de la maladies, puis, lorsque cela a pris de l’ampleur, nous avons compris qu’il fallait équiper le personnel hospitalier, mais aussi le secteur médico-social, les pompiers, etc. Les appels aux dons et l’installation du pont aérien nous a permis d’équiper nos personnels hospitaliers bien mieux que la plupart des hôpitaux de métropole. »
Le don du conseil départemental permettra « plusieurs semaines d’utilisation par nos services », indiquait-elle, en souhaitant « la réussite de l’accomplissement du confinement ». La directrice de l’ARS en profitait pour contrer les accusations d’une institution qui viendrait en aide prioritairement à la population étrangère, notamment en mettant en place des rampes d’eau ou une distribution gratuite de masques : « Il n’est pas question d’encourager l’immigration clandestine, mais de contrer la diffusion du virus. Tout le monde va y gagner. »
« Le port du masque est beaucoup plus respecté ici qu’à Paris »
Sa venue prend place dans un contexte de critique sur les chiffres de la délinquance, mais surtout, d’une épidémie dont l’intensité inquiète. Avec des options de gestion différentes entre le préfet qui souhaite trouver un juste compromis entre la survie économique et la protection de chacun face au virus, la directrice de l’ARS qui prêche la poursuite du confinement, après en avoir évoqué l’allègement en avril, et le recteur qui souhaite réintégrer dans les classes des élèves en perte d’apprentissage depuis fin février. Pour compliquer le tout, les approvisionnements contraints en pétrole lampant et le début du ramadan ont incité au relâchement du confinement.
En réponse, la ministre explique être venue « pour rappeler que Mayotte est au cœur de la République », et part « rassurée sur l’organisation générale ». Avec un constat de sa part d’une prise de conscience de la population : « Comparé à Paris, le respect du port du masque est beaucoup plus important ici », félicitait Annick Girardin à l’endroit du président Soibahadine, en demandant par contre un effort sur le respect de la distanciation physique.
Ce contexte, elle va le rapporter au président de la République et dans la matinée même de ce mercredi : « C’est la première fois que va se tenir à distance un conseil des ministres et depuis Mayotte. »
Anne Perzo-Lafond