Le procès avait tout d’atypique, ce lundi, au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Là où les magistrats sont habitués à traiter des affaires de vol avec violence, ou de violences gratuites sur fond d’oisiveté et de misère sociale, ils ont cette fois dû s’accorder sur le sort d’un fonctionnaire incapable d’expliquer un geste terrible.
Le premier janvier dernier, le prévenu, conseiller principal d’éducation dans un collège, recevait un couple d’amis dans le faré qu’il s’était fabriqué. Mais au cours du repas, l’homme qui avait cessé de boire depuis plusieurs années sombre à nouveau dans l’alcool, et perd tout contrôle. Il commence par sortir un revolver, et explique à ses invités que c’est pour dissuader d’éventuels agresseurs. L’arme, un vieux pétard de collection hérité de sa famille, ne fonctionne plus, elle lui a d’ailleurs été restituée à l’issue de l’enquête.
Plus tard, il demande à la femme présente à table si elle a “envie de mourir”. Choquée, elle lui dit que non, et le repas se poursuit. Puis, sans se l’expliquer, l’homme s’énerve. Alors sue devant lui le couple se chamaille, la dispute “a réveillé en moi des souvenirs” explique-t-il lors de sa comparution à délai différé. La suite fait frémir.
Ivre et en colère, l’homme se lève alors de table et passe derrière le couple. Il saisit alors la tête de la femme, la tire en arrière et d’un coup de machette, lui entaille la gorge. La lame entaille le cou sur près de 12 centimètres et frôle la carotide. Un geste “maîtrisé” affirmera-t-il en garde à vue. L’intention de tuer, d’abord retenue par les enquêteurs, sera finalement exclue. Immédiatement, malgré la sidération, le couple prend la fuite et la victime est hospitalisée. Miraculée, elle s’en sort avec une cicatrice à vie.
Plus de 3g d’alcool dans le sang
L’agresseur lui, reste chez lui, et attend les gendarmes en finissant la bouteille de gin. A leur arrivée, les militaires trouvent sur lui 4 couteaux, un dans chaque poche. “A ce moment là, je voulais en finir, j’espérais que les gendarmes me tirent dessus” explique le prévenu qui se décrit dans un état second. Il faut dire que lors de son interpellation, l’homme présentait un taux d’alcool de 3,20g dans le sang.
“C’était moi, et en même temps ce n’était pas moi, je ne m’excuserai jamais ce que j’ai fait” répétera-t-il à l’envi durant l’audience.
Pourtant selon le couple présent au procès, leur désormais ex ami avait déjà montré une certaine fascination pour les armes et le sang. Il avait déjà exhibé un couteau dans un bar, et s’était même entaillé son propre ventre, sans raison apparente, lors d’un précédent repas. Ce dont il dit ne pas se souvenir.
Pour autant, l’expert psychiatre ne note aucune pathologie particulière, si ce n’est un alcoolisme bien ancré, laissant l’auteur de ce qui aurait pu finir en meurtre “soignable et réinsérable”.
C’est le pari qu’ont fait les juges en le condamnant à 2 ans de prison avec sursis probatoire, et obligation de soin. Une peine assez éloignée des trois ans dont un ferme réclamés par le parquet qui décrivait un “docteur Jekyll Mr Hyde”. Erick Hesler, avocat de la victime, voyait lui un “homme dangereux” répétant à outrance “des excuses de circonstance”.
Le CPE a été suspendu par le rectorat dès que sa hiérarchie a eu connaissance des faits. Se disant “passionné” par son travail, il a demandé une dispense d’inscription au casier judiciaire qui lui a été refusée. Il est donc peu probable qu’il retrouve le chemin de l’école, et il a désormais deux ans de suivi médical et judiciaire obligatoire pour s’éloigner du chemin de l’alcool.
Y.D.