C’est somme toute une histoire classique à Mayotte. Un propriétaire terrien mahorais, M. Moussa, a construit des bangas sur son terrain pour y loger des personnes dont certaines étaient en situation irrégulière. Sa femme, Mme Sidi, faisait quant à elle office de gestionnaire des logements. 16 bangas sont construits sur son terrain dont 10 étaient occupés pour un total de 36 personnes. Les bangas étaient loués à 200 euros par mois. Les deux prévenus, jugés en leur absence mais en présence cependant de leur avocat, Me Hessler, étaient donc soupçonnés d’avoir facilité le séjour de personnes en situation irrégulière sur le territoire mahorais et de les avoir logés « dans des conditions indignes avec la dignité humaine » selon le terme juridique en vigueur. Des coupures d’électricité récurrentes, l’insalubrité, un seul sanitaire commun pour les 36 personnes présentes viennent confirmer ces soupçons. Les bangas étaient loués depuis 12 ans et les sommes perçues n’étaient bien évidemment pas déclarées aux impôts. Les experts ont estimé que M. Moussa aurait perçu plus de 500 000 euros depuis 2005 pour la location clandestine de ces bangas.
« C’est l’usage à Mayotte »
Lors de son audition à la gendarmerie, M. Moussa a déclaré que « c’est l’usage à Mayotte » de louer des bangas qui pour lui sont « modestes mais corrects ». Une expression qui a fait bondir la procureure Mme Cherel qui a déclaré que, Mayotte ou pas, il était illégal de loger des personnes en situation irrégulières dans de telles conditions d’insalubrité. Le pot aux roses a d’ailleurs été découvert suite à un signalement de rétrocession d’EDM qui a également découvert des branchements dangereux. Une enquête a donc été ouverte au cours de laquelle les gendarmes ont découvert les bangas et les 36 personnes qui y logeaient sans forcément avoir de titres de séjour en bonne et due forme. M. Moussa et sa femme reconnaissent les faits, mais estiment avoir le droit de louer ces bangas à 200 euros le mois étant donné que leur construction a coûté près de 8000 euros. « Les prévenus ont retirés beaucoup d’argent de cette opération », a déclaré la procureure qui a requis contre M. Moussa 15 000 euros et 9 mois de prison avec sursis et contre sa femme, Mme Sidi, 8000 euros d’amende et 6 mois avec sursis.
« Rien ne prouvait que les personnes logées étaient en situation irrégulière »
Pour Me Hessler, avocat de la défense, « rien ne prouvait que les personnes logées étaient en situation irrégulière ». L’enquête pour lui a été bâclée et ne s’est basée que sur l’audition de 6 personnes dont une seule seulement était en situation irrégulière. Et encore, cette personne logeait chez sa mère qui, elle, était en situation régulière. D’après Me Hessler, la plupart des personnes logées dans ces bangas étaient donc en situation régulière, ce qui réduit à néant le soupçon d’aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire. Quant à la dissimulation d’activité, il est pour lui tout à fait légal de sous-louer des appartements comme cela se fait sur AirBNB par exemple. Certes, l’activité a été dissimulée aux impôts, mais « tout est lié à l’importance de l’activité » selon l’avocat qui a demandé la relaxe pour ce chef d’accusation. Les 500 000 euros de gains sont pour lui « une projection spectaculaire » et ne correspondent pas forcément à la réalité de ce qu’a réellement gagné M. Moussa pendant toutes ces années. Pour lui « il fut donc ramener cette affaire à sa juste condamnation ».
Finalement, après en avoir délibéré, le tribunal a condamné M. Moussa à 50 000 euros d’amende et sa femme, Mme Sidi, qui gérait les bangas, à trois mois de prison avec sursis.
N.G
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