Jusqu’à 117 personnes étaient entassées en 2019 dans cette maison en construction à Cavani selon une estimation du propriétaire, jugé au tribunal correctionnel pour aide au séjour et hébergement indigne. 117 réfugiés, principalement d’Afrique, qui payaient un loyer pour ce logement doté d’un unique point d’eau. Dans cette maison sur trois niveaux dont les étages n’étaient “pas terminés”, les réfugiés vivaient à une dizaine par pièce, chacune correspondant à un loyer en fonction de sa superficie. Au total, 21 000€ de loyers ont été encaissés en 2018, “je ne le conteste pas” reconnaît à la barre le fils de la propriétaire qui gérait le logement. Des sommes encaissées mais jamais déclarées aux impôts admet-il encore.
Et c’est là que le bât blesse. Car si la Justice peut passer l’éponge sur un accueil humanitaire, en tirer profit devient condamnable. D’autant que les témoignages des habitants, entendus en mars 2019, sont lourds. Les locataires décrivent en effet un propriétaire “qui vient régulièrement mettre la pression pour payer le loyer, l’un d’eux dit même qu’étaient réclamés 6 mois de loyer d’avance” pose le président d’audience. Ce point-là, l’homme le réfute formellement.
Lui estime plutôt avoir perçu de quoi entretenir une maison qui, squattée, “tombait en ruine” et nécessitait “de l’entretien régulier”. Selon lui, l’enquête aurait dû se tourner vers l’association Solidarité Mayotte, qui selon un des habitants interrogé par Mayotte la Première, aurait orienté ces personnes vers la maison, faute de place pour les accueillir tous dans ses locaux.
Une location avait même été envisagée avec l’association assure le propriétaire. “On avait déjà été approchés par Solidarité Mayotte en 2012 ou 2013, on avait refusé car on avait un projet” explique-t-il.
Mais la justice n’a pas retenu de responsabilité de l’association, et seul la propriétaire et son fils ont été poursuivis, notamment à cause de ces loyers perçus.
Pour le procureur, “dans cette affaire il est question de vulnérabilité, les personnes qui ont vécu dans ces conditions sont des personnes vulnérables car elles sont originaires d’autres pays, parfois ne parlent pas la langue, n’ont pas les codes de Mayotte. Il est important d’en revenir aux textes”. Il cite notamment l’article 225-14 . “Le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende”.
La saisie de la maison, principal enjeu du procès
Pour lui, les conditions y étaient bien indignes. Le seul point d’eau était sous-utilisé puisque la facture ne correspondait qu’à l’usage d’une personne seule, le nombre de pièces était largement insuffisant et un seul toilette était disponible pour tout le monde.
Pour le parquet toujours, “le fait de leur proposer un logement avec contrepartie financière prouve que ce n’était pas humanitaire donc il y a aide au séjour d’ESI. Il n’y avait pas de quittance, pas de déclaration aux impôts, le but était de se faire de l’argent.”
Il proposait ainsi une lourde amende, et la saisie de la maison.
Trop sévère pour l’avocat du propriétaire, Mansour Kamardine, selon qui son client “pensait bien faire” et a “tendu la main à des réfugiés”.
Après deux semaines de mure réflexion, le juge Bouvard a prononcé une sanction moins lourde que celle requise, avec 7000€ d’amende pour le fils, autant pour la mère, mais sans saisie de la maison. Une condamnation certes, mais que l’homme a sobrement qualifiée de “victoire”.
Y.D.
Comments are closed.