« Tu parles d’une aventure ! C’est assez spectaculaire ce que l’on vit ici ». Heureusement que Justine est de bonne composition et que son optimisme, comme la présence à ses côtés de son ami, l’aident à garder le moral. Car depuis lundi et la date prévue de son retour à Mayotte, la jeune femme est confrontée de plein fouet à une gestion de crise sanitaire des plus ubuesques.
Tout commence lundi donc. « Quand nous sommes allés chercher les résultats du test covid, ils se sont avérés positifs », explique Justine qui avait effectivement, comme son compagnon de voyage, des symptômes légers. Ni une ni deux, les voyageurs sont embarqués dans un camion, sans autre forme de civilité. « Je crois que c’était des pompiers mais je ne suis pas sûre ». Direction Sambakouni, au nord de la capitale Moroni. « C’est un hôpital qui ne sert qu’à isoler les covidés, il est assez grand. Hier on était 74 répartis en plusieurs chambres. Dans la mienne on est 9 femmes. Il y a des Comoriens comme des Mahorais. Les Comoriens qui habitent ici, qui peuvent s’isoler chez eux n’ont pas le droit de le faire. Ils sont retenus ici tout pareil », explique sobrement Justine. Avant de planter le décor.
Pas de couverts ni de savon
« Les conditions ne sont pas au top il faut bien l’avouer. C’est assez sale, vieux, tout est rouillé. » Les poubelles dégueulent à l’entrée des chambres, les toilettes sont particulièrement vétustes, encrassées et
sans lumière. « Jusqu’à aujourd’hui nous n’avions pas de savon, on l’a réclamé et finalement reçu au bout de trois jours. C’est quand même mieux de pouvoir se laver les mains en sortant des toilettes en cette période… »
Dans les chambres, pas de moustiquaire alors que paludisme sévit aux Comores. « On a finalement réussi à un dégoter quelques-unes. Et on a un masque par jour », détaille la « touriste ».
Qui, en débarquant à Sambakouni, a abandonné l’idée de villégiature. « Pour manger, on n’a pas de couvert donc on mange avec les mains… Et le matin on nous propose du thé mais il n’y a pas de tasse », raconte-t-elle par exemple. Avec son ami, Justine a tout de même réussi à contacter une personne de l’extérieur qui leur a fourni, avec la complicité de la sécurité, cuillères, tasses et quelques fruits. Une portion de vitamines « qui nous aide à tenir, garder le moral ».
Car force est de constater qu’il faut avoir les reins solides pour supporter les conditions dans lesquelles sont internées les personnes positives au coronavirus.
Traitement forcé et macchabée
« Ce qui est assez énervant, c’est qu’il faut à chaque fois harceler les personnes pour espérer obtenir quelque chose. Je ne sais pas vraiment comment ça se passe mais je n’ai pas l’impression que ce soit du personnel très compétent au vu des questions qu’ils posent quand ils font leurs bilans médicaux. Ce n’est pas très rassurant… On se dit que si un a un vrai problème de santé ici, on est mal. Heureusement que pour nous ça se passe bien à ce niveau là pour l’instant. Mais c’est quand même un peu flippant… », confie Justine.
Une prise en charge médicale qui soulève bien des questions. À leur arrivée, les deux compagnons d’infortune se voient ainsi interrogés : « Tu vas bien ? Tu as des symptômes ? Tu as le palu ? ».
Et c’est à partir de ce bien maigre examen qu’est déterminée la dose de chloroquine journalière à ingérer. De force. « Au début on a refusé de les prendre car on est contre ça… Et puis une infirmière avec qui on a pu créer un peu de lien le lendemain nous a expliqué que nous n’avions pas vraiment le choix puisque nos 10 jours d’isolement ne seraient comptabilisés qu’à partir du moment où on prendrait le traitement ». Ambiance.
Par chance, les compères ne sont pas gravement malade. Car entre l’absence criante de matériel, de personnel soignant ou encore les coupures d’électricité, les choses auraient pu virer au drame. Ce qui a malheureusement été le cas pour certains malades présents. « On a des coupures d’électricité mais c’est quelque chose d’assez courant ici. Le problème c’est qu’il y a eu du retard pour démarrer le groupe électrogène alors qu’il y a des personnes branchées ici… Et qui ont donc été débranchées pendant de longues minutes. Il y a eu un décès hier soir, la personne n’a été évacuée que ce midi… »
Pas de recours diplomatique
« On a pas vraiment l’impression qu’on est dans un hôpital avec des gens qui sont en train de mourrir mais plutôt en prison », lâche Justine. Une gestion qui a de quoi alimenter les plus folles rumeurs au sein des personnes internées, qui, malgré tout, font régner la meilleure humeur possible. « Il y a beaucoup de gens ici qui parlent de complot du gouvernement, des choses comme ça. Ils disent que le covid n’existe pas, qu’on a trafiqué leurs tests… C’est peut-être aussi pour ça qu’ils gardent les personnes détenues, pour être sur qu’ils n’aillent pas faire n’importe quoi dehors et contaminer tout le monde », analyse la jeune femme. Qui a bien du mal à voir clair dans cette histoire.
Mal traitée par les autorités comoriennes, le sentiment d’abandon de la France est tout aussi présent chez la jeune femme. « L’ambassade a été prévenue, et on l’a rappelé de notre côté pour demander un rapatriement. Mais en gros on nous a expliqué que s’il n’y avait pas d’urgence vitale, rien n’allait se passer pour nous. » C’est donc le grand flou pour le retour à Mayotte. « A priori on devrait à nouveau être testés au jour 8 pour pouvoir sortir ensuite. Enfin on verra puisqu’on a raté un jour de médicament… Comme le covid revient beaucoup ici, on ne sait pas ce qu’il va se passer au niveau des frontières. Ils ont déjà fermé Mohéli… Parait-il qu’il y aurait un dernier bateau le 18 mais on n’en sait pas plus. En gros, notre retour va dépendre de notre durée d’isolement et de la fermeture des frontières », maugrée-t-elle. Définitivement bien isolée.
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