Ne pas lâcher sur le moindre phénomène de violence, notamment quand il est répétitif, c’est se prémunir contre la banalisation, et d’hypothétiques zones de non droit qui en découleraient.
A Dzoumogne la semaine dernière, des bandes se sont encore affrontées, avec de gros dégâts dans le lycée. On apprenait de la bouche du préfet sur le Journal Télévisé de Mayotte la 1ère de jeudi, que les lycéens étaient plus qu’impliqués, « ils ont découpé le grillage pour sortir et aller s’affronter à l’extérieur ».
Des propos qui ont agacé la communauté enseignante. Patrick Dedieu qui y enseigne, témoigne : « La déclaration du préfet laissait penser que les violences étaient provoquées par les lycéens, or, même s’ils y ont participé, ils n’ont pas été déclencheurs. »
Il revient sur cet énième caillassage, qui s’est produit dans un contexte pourtant plus apaisé. « Depuis les derniers affrontements entre jeunes, nous avons obtenu ce que nous demandions. Le rectorat nous a fourni un 2ème APS, ces agents de prévention et de sécurité internes au lycée, et une 2ème équipe Mobile de Sécurité. De la mairie aussi, qui a cassé le petit banga où venaient se réfugier les jeunes déscolarisés pour racketter les lycéens, ils se rassemblent du coup sur la place du village. Ce mardi, a eu lieu une petite bagarre entre les deux groupes de jeunes, de Dzoumogne et du lycée. Il faut savoir que, entre le confinement l’année dernière et les fermetures pour caillassages, nous avons peu vu nos élèves. Ceux qui sont impliqués dans ces violences sont pour la plupart en 1ère année de CAP du bâtiment ou en seconde, ils arrivent avec un faible niveau scolaire. A la suite de cette confrontation, les bus de nos lycéens ont été caillassés. »
Des messages éclairants attendus de la part des adultes
Comme il fallait s’y attendre, les représailles n’ont pas tardé le lendemain avec un début de confrontation, « que les EMS et les APS épaulés par quelques gendarmes mobiles sur place, ont circonscrit rapidement. Les cours se sont déroulés normalement jusqu’à 9h. » C’est là que quelques élèves violents ont agi : « Ils ont lancé des cailloux sur les gendarmes mobiles, aussitôt repérés par les surveillants. Beaucoup d’élèves ont demandé à partir en craignant que cela dégénère, ce qui était probable car des jeunes du village buvaient du rhum à deux pas des gendarmes, mais nous n’avons pu évacuer le lycée. Une soixantaine d’élèves sont restés, et c’est reparti. » Tard dans la soirée, des jeunes du village se sont acharnés sur le lycée, causant de gros dégâts matériels.
Des faits qui interrogent d’abord sur l’action des lycéens, qui ne semblent pas faire de différence entre leur statut et ceux qui sont en errance à l’extérieur. Être lycéen et caillasser des forces de l’ordre, est inadmissible. Ils bénéficient d’enseignements, ont la chance de pouvoir se former, et doivent donner une autre image des valeurs de la République portées par l’institution qui les abrite. Quelle perspective offrent-ils aux plus jeunes du village qui les observent et sont censés suivre leur trace ? C’est pour leur éviter le décrochage que les financements sont trouvés pour créer plus de postes. Les adultes, dont les parents et leurs enseignants, doivent reprendre le flambeau pour diffuser ces messages. Surtout que ce professeur nous rapporte que les élèves sont souvent munis de marteau ou de tournevis, « pour se défendre, il arrive qu’ils se fassent agresser dans le bus ». Difficile de se projeter pour un ado sur des échanges pacifiés et des cours suivis sereinement quand on commence sa journée en glissant un outil détourné en arme dans son sac.
Les adultes doivent urgemment reprendre le dessus. A la fois à l’intérieur du lycée, mais aussi, à l’extérieur. Notamment, et à l’instar de Petite Terre, démanteler les bandes. Lors d’un de ses passages à Mayotte, la ministre Ericka Bareigts avait rapporté qu’une quinzaine de bandes, identifiées donc, sévissait sur le territoire. La méthode employée pour la bande de Gotam doit être dupliquée autant de fois que nécessaire, pour éviter que la population, dont des lycéens, ne soit tentée de se faire justice, et de risquer de se faire sanctionner avec plus de célérité que l’on met à endiguer la délinquance.
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.