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vendredi 22 novembre 2024
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Mahorais de La Réunion : apaiser les relations communautaires « avant que ça dégénère »

Face à une recrudescence de faits-divers impliquant, supposément ou non, des jeunes mahorais de La Réunion et à une stigmatisation de plus en plus palpable de toute la communauté mahoraise sur l’Île Bourbon, des responsables associatifs, à l’image d’Amina Djoumoi-Lihadji montent au créneau « avant que ça dégénère ».

« Changer de regard ». Voilà ce qu’espérait initier en 2010 le Conseil économique, social et environnemental de La Réunion en votant à l’unanimité un texte sur « Les Mahorais à La Réunion ». « Il s’agit, pour tous, de prendre conscience du fait qu’ils [Les Mahorais] sont une des composantes de la population réunionnaise parmi les moins bien intégrées », rappelait en introduction le document soumis au vote. C’était il y a 10 ans. Et pourtant, depuis, rien a changé. « C’est même pire en ce moment, il faut absolument apaiser les choses car on vit dans un climat de tensions pas possible. Ici, vous aurez pas des marches blanches comme à Mayotte, ça peut très vite dégénérer », estime Amina Djoumoi-Lihadji.

Pour cette mère de famille, arrivée sur l’ïle Bourbon à ses 15 ans, « ce qu’on lit, ce qu’on entend en ce moment, ce sont des choses qu’on entendait il y a longtemps, quand les Mahorais ont commencé à s’exiler vers La Réunion. On était très rejetés, discriminés, nous nous sommes battus contre ça et les relations s’étaient un peu apaisées ». Mais ces derniers temps, « avec les réseaux sociaux, internet et tout, il y a une libération de la parole qui va jusqu’au racisme », se désole Amina, très engagée dans le secteur associatif, notamment au sein de la communauté mahoraise de La Réunion. Mais comment expliquer ce retour aux réflexes haineux dans une société par essence multiculturelle ?

À entendre la porte-parole de Ré-MaA (Réunion-Mayotte en action), il y aurait plusieurs explications à cela, et la première d’entre elle se trouverait à Mayotte même. «  Avec ce qu’il se passe en ce moment chez nous, beaucoup de famille s’exilent vers La Réunion et les jeunes peuvent reproduire le même phénomène de bandes violentes », considère-t-elle. Une autre raison tiendrait au fait que « beaucoup d’enfants de Mahorais ont grandi ici dans la frustration, dans la discrimination quotidienne à laquelle faisaient face leurs parents alors aujourd’hui ils se vengent contre la société ».

Tenir les jeunes pour « ne pas tendre le bâton pour se faire battre »

Face à cela, Amina dit « comprendre les Réunionnais ». « On ne supporte pas qu’on importe la violence chez nous à Mayotte, c’est normal que les Réunionnais ne le supportent pas non plus mais il faut faire attention à ne pas stigmatiser toute une communauté. C’est cela qui est dangereux pour le vivre-ensemble. Bien sûr qu’il faut s’occuper de ces jeunes, les punir quand nécessaire mais il faut en amont travailler sur l’intégration ». « Entre deux chaises », la médiatrice sociale s’attache ainsi à demander aux familles mahoraises de « ne pas tendre le bâton pour se faire battre », et aux Réunionnais de « faire la part des choses et ne pas se faire embarquer par des faits-divers montés en épingle par des racistes de toujours ».

Mais force est de constater qu’entre ces deux chaises, l’équilibre est précaire. Et l’actualité, outre son aspect sécuritaire, ne vient pas arranger les choses. Les évacuations sanitaires ou tout simplement les voyages de Mayotte vers La Réunion sont régulièrement l’objet de commentaires enflammés. « C’est inadmissible, intolérable, les Mahorais sont traités comme des pestiférés à leur arrivée et tout cela est alimenté par des propos extrêmement déplacés de la part de certains responsables politiques », dénonce pour sa part Marcel Rinaldy, président du Collectif du monde économique de Mayotte, indigné par « la stigmatisation et la maltraitance dont sont victimes les Mahorais. »

Pour Marcel Rinaldy, la “maltraitance à l’égard des Mahorais” commence dès l’aéroport de La Réunion.

« C’est l’État qui nous met dans cette situation »

Et l’entrepreneur comme la médiatrice sociale de regarder dans la même direction : « on en serait peut-être pas là si l’État mettait en pratique le principe d’égalité des territoires pour Mayotte », considère ce premier. « C’est l’État qui nous met dans cette situation, bien sûr qu’au vu de l’épidémie les Réunionnais ont peur qu’on leur amène le coronavirus, mais comment expliquer qu’on ne puisse pas se faire soigner correctement chez nous ? », questionne de son côté Amina Djoumoi-Lihadji. Et à plus forte échelle : « Jusqu’à quand nos enfants vont devoir aller à La Réunion pour être en sécurité, avoir une éducation correcte, la possibilité de faire des études et espérer trouver un travail ? La Réunion devient le déversoir des espoirs déçus des Mahorais parce que l’État ne met pas les moyens pour développer correctement leur territoire ». Autant d’espoirs souvent déçus également sur le sol réunionnais, concentrés dans des ghettos urbains comme à la cité Fayard de Saint-André.

En attendant une réaction des autorités centrales, la mère de famille très influente au sein de la communauté a décidé avec ses camarades associatifs de réunir toutes les parties prenantes, ce samedi 13, pour trouver des solutions au double fléau : « à la fois la montée de la violence chez certains de nos jeunes et la stigmatisation galopante dont on fait l’objet ». Mais Amina est déjà lasse, tout en balayant devant son ancienne porte. « J’ai l’impression que chaque île a besoin de son bouc-émissaire. À La Réunion ce sont les Mahorais, et à Mayotte ce sont les Comoriens ».

G.M.

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