« Mayotte n’a pas encore signé la convention nationale de 80 millions d’euros sur la lutte contre la pauvreté ! »… Le conseil départemental avait été rappelé à l’ordre par le secrétaire d’Etat Adrien Taquet pour n’avoir pas contractualisé avec l’Etat sur la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée en septembre 2018 par le président Emmanuel Macron. 40 départements s’étaient dépêchés de souscrire mais Mayotte, pourtant seul département de France où 77% de la population vit sus le seuil de pauvreté, ne l’avait étonnamment pas fait.
« Nous n’étions pas prêts, soulignait alors le vice-président en charge du social Issa Issa Abdou, il fallait notamment s’accorder sur le nombre de mineurs concernés ». On se souvient que le secrétaire d’Etat avait minoré leur nombre à 300, « strictement isolés », quand l’Observatoire des mineurs isolés les évaluaient à 4.400 sans véritable référent. C’est ce chiffre que retient le département dans le Contrat Départemental de Prévention et de Protection de l’Enfance.
Cette stratégie nationale vise à garantir les mêmes droits à tous les enfants autour de quatre engagements : Agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles, sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures, donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits, préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte en trouvant notamment des solutions dès la sortie de l’accompagnement de l’ASE. Des grands thèmes et de belles phrases qu’il faudra mettre en pratique. La convention est tripartite, incluant l’ARS.
Recrutement d’assistants socio-éducatifs et familiaux
A l’heure où la compensation de l’Etat 9,6 millions d’euros au titre de l’Aide sociale à l’Enfance n’est plus suffisante avec 45 millions de dépenses en 2021, cet accompagnement sera positionné exclusivement sur ce secteur en souffrance : « Vu l’ampleur du phénomène de l’Enfance à gérer sur ce territoire, on met le paquet sur l’ASE. Nous ne pouvons pas inclure les PMI, la Protection Maternelle Infantile fera l’objet d’autres propositions. Par ailleurs, nous devons réfléchir à pérenniser une compensation à la hauteur des besoins sur l’ASE », juge Issa Abdou.
Parmi les manquements du Département, la Cellule d’informations préoccupantes (CRIP), qui était visée par le secrétaire d’Etat. « Nous sommes preneurs d’accompagnement, y compris dans le cadre d’apport d’ingénierie nationale dans ce domaine », rapporte encore l’élu.
Le conseil départemental y voit les applications concrètes dans ses problématiques quotidiennes : le renforcement de la prévention spécialisée qui permet d’éviter l’errance et marginalisation de ces jeunes, la poursuite de la formation des assistants familiaux, et du recrutement d’assistants socio-éducatifs pour désengorger leur charge de travail, en passant d’une capacité difficilement gérable de 40 à 70 mesures aux 25 à 30 standards, la création de places supplémentaires en famille d’accueil, « mode de placement à privilégier » et en structures d’hébergement collectif, « en raison d’une saturation du placement familial », le développement des dispositifs d’accompagnement des mineurs et des majeurs, « notamment post ASE qui n’a jusqu’à présent que peu de solutions », souligne Issa Abdou. L’arbitrage pour Mayotte n’est pas connu, « ce sera en fonction de nos remontées ».
On l’attend beaucoup sur la CRIP, puisque c’est en signalant en amont des enfants en difficulté que l’on peut prévenir leur marginalisation et leur errance, vecteur de délinquance. Issa Abdou rappelle le numéro vert mis en place à cet effet, le 119, « nous sommes d’équerre avec le national depuis 2 ans ».
2,7 millions pour soutenir l’enfance en danger
Toujours sur le même sujet, et assumant ainsi la compétence dévolue par la loi au conseil départemental de chef de file de l’action sociale, les élus ont voté une aide financière et des subventions aux associations intervenant dans le domaine de la santé, de la famille et de l’enfance, au titre de l’année passée, en 2020, donc. Rappelons qu’elles avaient bénéficié de 2 millions d’euros d’aides directes de l’Etat, annoncées par Adrien Taquet à Mayotte en octobre 2020.
Issa Abdou tient à rappeler que l’accompagnement financier de ces structures n’est pas global, mais cible des actions à mener, « nous avons un rôle de contrôle qu’il soit effectivement dépensé et dans un objectif donné ».
Ainsi, ce sont 251.700€ qui ont été votés du côté des aides et en réponse à un appel d’offres « Soutien aux structures », et on retrouve parmi les destinataires des aides la Croix Rouge, 616.000 euros, ADSM (déficients sensoriels), 30.000 euros, l’ACFAV, 30.000 euros, Mlézi Maore, 20.000 euros, Familles rurales, 20.000 euros, etc.
Du côté des subventions versées aux structures intervenant dans les domaines de la santé, de la famille et de l’enfance, soit 2,5 millions d’euros, Mlézi a bénéficié de 550.000 euros au titre d’administrateur ad hoc pour les mineurs lors des audiences au tribunal et de la Maison des Adolescents, ainsi que d’enquêtes sociales rapides, Solidarité Mayotte de 190.000 euros comme accompagnateur des mineurs demandeurs d’asile, les Céméa 75.000 euros pour les Points d’Accueil et d’Ecoute Jeunes.
Anne Perzo-Lafond
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