Le Journal de Mayotte : Où en est le projet de coopérative HLM que vous portez avec la CCSud ?
Rachadi Saindou : L’idée de créer cette coopérative n’est pas nouvelle, elle date de 2019. À l’époque, les élus de la CCSud et de la Cadema avaient rencontré les responsables de diverses structures pour définir l’outil le plus pertinent pour créer du logement. Par sa nature évolutive et adaptable, le choix a été fait de s’orienter vers une coopérative HLM. Pour continuer à préciser le projet, nous nous sommes fait aider par le directeur de la fédération des coopératives HLM et le directeur général de la coopérative Cap Accession Guyane. À mon arrivée à la tête de la Cadema en juillet 2020, j’ai fait savoir à mon homologue de la CCSud qu’il me semblait important de poursuivre ce travail ensemble. Nos assemblées ont par la suite délibéré pour acter la création de la structure, nommer ses représentants et voter un premier versement de 400 000 euros chacune. À la suite de cela, nous avons fait le tour de tous les partenaires institutionnels et privés du secteur du logement sur le territoire pour les informer de notre démarche, et les inviter à y participer.
Pour l’heure, nous sommes avant tout accompagnés par l’État pour finaliser cette création. Un passage devant la commission départementale spécialisée est prévu pour le 2 avril et doit donner lieu à un avis consultatif. Enfin, dernières étapes : l’assemblée générale constitutive aura lieu au mois de juin et dans le même temps nous recrutons un directeur qui doit prendre ses fonctions en septembre.
À cette date, on pourra dire que le bébé est né et qu’il pourra enfin se mettre concrètement au travail.
Le J.D.M : quel serait l’objet de cette coopérative ?
R. S. : Comme le suppose le terme coopérative, l’idée est plutôt d’être dans l’action sociale et non pas d’entrer en concurrence avec la SIM. Le but est de se positionner sur un créneau peu développé à Mayotte qui est l’accession sociale. Dès la première année, nous voulons commencer à construire du logement, c’est pour cela qu’il faut éviter que les différentes communes ne livrent tout leur foncier à la SIM ! Nous considérons que pour
espérer résorber l’habitat illégal, il faut accompagner les Mahorais en les aidant à devenir propriétaires d’un logement digne de ce nom.
L’objectif est que les premiers logements soient livrés d’ici la fin de la mandature, que ce soit sur le territoire de la CCSud ou de la Cadema. Il faut aller vite.
Le J.D.M : les dispositifs actuels de l’accession sociale permettent-ils d’espérer voir les ménages pauvres accéder à ce type de logement ?
R. S. : Il le faut et c’est tout l’intérêt. En même temps que nous créons cette structure, nous ne cessons de plaider, notamment auprès de l’État, pour une prise en compte de la réalité locale. Le Mahorais n’a pas d’argent et si l’on espère résorber l’habitat insalubre sans adapter la réglementation aux spécificités de l’île on se leurre. Dans l’état actuel des choses, l’accession sociale est donc un peu utopique mais c’est pour ça qu’il faut faire bouger les lignes, notamment en montrant que l’on est capable de porter un projet comme celui de la coopérative HLM. Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire payer, ce n’est pas l’idée, mais on ne peut pas appliquer les mêmes taux qu’en métropole.
Le J.D.M : Vous avez espoir que cette voix porte au plus haut niveau ?
R. S. : Les sénateurs Thani et Abdallah sont très sensibles à cette question et nous aident beaucoup là-dessus. C’est très important, il faut que nous puissions parler d’une même voix sur ces sujets. Je pense que la dernière réunion de la délégation Outre-mer du Sénat à laquelle j’ai participé montre bien que la question interpelle. Et je pense que nous partagions l’idée d’adapter les normes au contexte mahorais en la matière.
Le J.D.M : Cette réunion montrait aussi les limites du manque de concertation entre les différents acteurs locaux. Créer une nouvelle structure ne risquerait-il pas d’ajouter encore à la confusion ?
R. S : Non, je ne le pense pas. Et c’est vrai qu’il est absolument nécessaire de jouer plus collectif, d’être dans la concertation sur ce sujet qui est trop important et urgent. Mais c’est justement face à cette urgence que nous avons décidé de créer cet outil. Si nous avions attendu que tout le monde adhère, il n’aurait jamais vu le jour. Or nous sommes convaincus de son intérêt et de son utilité. Nous avons donc assumé sa création, mais l’objectif n’est pas que ce soit la coopérative de la Cadema et de la CCSud : elle doit être celle de tous les Mahorais. On crée la structure, on commence à travailler, et les autres suivront, j’en suis convaincu. Si la 3CO veut rentrer dans la structure, si le Département veut rentrer, ils seront évidemment les bienvenus, comme tout le monde qui aura envie de participer à cette belle aventure.
Propos recueillis par Grégoire Mérot
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