A force de laisser trainer, et de ne le réunir qu’a posteriori, après les violences, la plupart des communes se retrouvaient avec des Conseils locaux de Sécurité et de prévention de la délinquance inefficace, où les acteurs ne se connaissaient parfois pas, alors qu’ils doivent être le lieu du partage des informations.
Le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla n’a jamais caché son inquiétude depuis qu’il est élu sur les phénomènes récurrents de violences qui gangrènent sa commune. C’est une vaste assemblée qui était conviée ce mardi, issue des domaines sécuritaires, associatifs, et même le père Bienvenu Kasongo, curé de la paroisse catholique de Mayotte, était présent. « Nous devons mener des actions de partenariat concrètes et pour que chacun devienne un acteur de cette stratégie », expliquait le maire en préambule, en axant l’action sur « la prévention, les sanctions, l’éducation au civisme et la solidarité ».
C’est Sidi Hamada Hamidou, Chargé de mission Sécurité, qui a établi le plan d’attaque. Un diagnostic précis a été présenté, il date de 2018, et sera actualisé d’ici 6 mois.
Il permettait au nouveau Directeur Territorial de la Police Nationale (DTPN), Laurent Simonin, de mesurer les défis qui l’attendent : la population du chef lieu de Mayotte de 1.688 habitants au km2 en fait la plus densément peuplée de France, l’Ile-de-France étant à 1.022 hab/km2. Les 36 groupes scolaires, les 3 lycées et les 6 collèges en font un fort réservoir de jeunesse à encadrer. « Les atteintes à l’intégrité physique et les atteintes aux biens ont explosé ces dernières années », relève Sidi Hamada Hamidou. Face à cela, les moyens de lutte contre la délinquance ont été accrus de 2014 à 2020, avec la mise en place de la vidéo protection, d’éclairage public et le renforcement considérable de la police de proximité. Sur les 13.356 jeunes inscrits sur l’ensemble du territoire dans un parcours socialisant, 3.371 le sont sur la commune de Mamoudzou. Il faut saluer cette production statistique dans ce secteur, avec l’effort de coller au contexte.
Nous sommes tous des agents de renseignement en puissance
Pour agir en prévention, trois commissions thématiques ont été créées, auxquels les acteurs présents ont pu s’inscrire : Sécurité, Animation-Insertion-prévention, et Familles et éducation à la parentalité. « Le débat permettra d’enrichir la programmation du futur CLSPD ». L’ensemble est basé sur une même démarche : « Nous devons tous être des sortes d’agent de renseignement, dès qu’une information concernant des violences répétées sur la voie publique, ou aux arrêts de bus, ou à proximité des établissements scolaires, etc., vient à nous. Il faut faire remonter, nous sommes tous hyper connectés ! » Fait nouveau, un Conseil pour les droits et devoirs des familles et à l’accompagnement parental, a été créé, proposition d’un acteur mahorais qui œuvre sur la prévention de la délinquance.
Trois coordinateurs animeront les commissions et coordonneront les relations entre institutionnels, répondront aux appels à projets.
Des inégalités persistantes
Le timing était tenu au cordeau, avec un court débat qui s’en suivait. Madi Madi Souf, président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), faisait référence aux conclusions des Assises de la sécurité en demandant de commencer à les appliquer, « notamment en terme de zone police que nous demandons en Petite Terre ». Le sous-préfet Jérôme Millet y voyait une « défiance envers la gendarmerie », alors que la commune de Pamandzi ne dépassait pas les 20.000 habitants exigés pour passer d’une zone de gendarmerie à celle de police. Si Madi Souf faisait valoir qu’il défendait l’intercommunalité de Petite Terre en volume de population, rappelons que celle de Koungou en revanche dépasse les 35.000 habitants et devrait être en zone police.
Autre prise de parole, celle du conseiller d’opposition à Mamoudzou, Elyassir Manfourou, qui déplorait l’absence de représentants du Département, « pourtant chef de file de l’action sociale », et demandait que les 31.000 élèves présents tous les jours dans la commune bénéficient d’une même dépense par élève qu’au plan national, alors qu’il est quasiment de moitié, selon le Sénat. Stéphane Planchand, pour le rectorat, relativisait en évoquant des écoles en rotation qui masquait le coût réel d’enseignant par élève et un rattrapage en cours des constructions scolaires.
La réunion se terminait sur la signature d’une convention entre le Bureau Prévention et partenariat de la police nationale octroyant 50.000 euros pour les Centres de Loisir Jeunes de Kawéni et Doujani. Et sur les mots réalistes du maire, « le mal est profond, le chemin pour retrouver la liberté d’antan fastidieux, mais c’est seulement en travaillant ensemble et sur le niveau de compétence de chacun que nous y arriverons, il n’y a pas de fatalité ! »
Anne Perzo-Lafond
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