“Les moyens consacrés aujourd’hui par l’État à la scolarité d’un élève à Mayotte n’atteignent pas les deux-tiers de ce qu’il consacre à un élève en moyenne nationale.” Cette phrase fait l’effet d’une petite bombe dans une note du Cesem, le conseil économique, social et environnemental de Mayotte paru en 2017.
L’élu d’opposition Elyassir Manfourou reprenait une donnée similaire lors du CLSPD, le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance de Mamoudzou, réclamant que les élèves de la commune bénéficient du même budget que leurs camarades de métropole.
Pourtant, Stéphane Planchand, du rectorat “relativisait en évoquant des écoles en rotation qui masquait le coût réel d’enseignant par élève et un rattrapage en cours des constructions scolaires” écrivions-nous le 14 avril dernier.
Selon la Cour des Comptes, le budget moyen alloué aux élèves en outre-mer est même plutôt “supérieur à la moyenne nationale”. En cause notamment, les dépenses de personnel enseignant, en raison “des sur-rémunérations de 40 % de leur traitement brut dans quatre des cinq territoires et de 53 % à La Réunion”.
Dans ce rapport de 2020, la Cour des Comptes estime que “les données obtenues montrent que l’éducation nationale consacre en moyenne entre 20 et 30 % de crédits supplémentaires par élève de l’enseignement public en outre-mer” avec 20 à 25% de coûts de personnels en plus par rapport à la moyenne nationale. En tout, 4 milliards d’euros sont consacrés par l’Etat aux 5 académies ultramarines dont Mayotte.
Malgré la profusion de chiffres fournis pour chaque académie, pour Mayotte “les données ne sont pas disponibles” indique toutefois la Cour des Comptes. Les juges notent un taux d’encadrement inférieur aux autres DROM, ce qui sous-tend un coût salarial inférieur à Mayotte que dans les autres Outre-mers, mais aussi des classes bien plus chargées.
Du côté du Sénat, on trouve un calcul effectué sur la base de données fournies par le rectorat et qui donne une idée de la dépense moyenne consacrée aux élèves étrangers uniquement.
Les données permettent d’évaluer le montant consacré à l’accueil et à l’instruction par les structures de l’Education nationale à Mayotte des élèves étrangers. Celles-ci font état d’un coût total par élève de 1.230 euros par an dans le premier degré, masse salariale comprise [et de] 4.322 euros par an dans le second degré, masse salariale comprise, pour un élève non boursier.
A supposer que ce coût par élève soit similaire pour les jeunes Mahorais et pour les élèves étrangers, c’est moins que pour chacun des autres DROM mais c’est plus que la moyenne nationale (en 2018). Un ratio qui s’explique par le vaste plan de constructions scolaires initié en 2018 pour plus d’un demi-milliard d’euros. Le nombre d’enseignants par élèves est aussi plus élevé qu’en 2018 indique le rectorat. Ce, alors que le nombre d’élèves vient de dépasser la barre symbolique de 100 000 (102 774), premier et second degré confondus.
Si l’on divise par ce nombre d’élèves le budget annuel (tout confondu) du rectorat qui est de 593 millions d’euros (hors, constructions, salaires, fonctionnement et investissement inclus), on arrive à un budget par élève de 5770€ par an (part Etat, hors constructions).
Un calcul repris et confirmé par le recteur Gilles Halbout qui nous a accordé un long entretien lors duquel il a repris tous ses chiffres pour arriver à cette conclusion : le budget de l’Etat par élève à Mayotte, “c’est environ 12% de plus” que ce que l’Etat dépenserait par élève (premier et second degré confondus) si on rapportait les dépenses du niveau national à la population scolaire de Mayotte.
“En moyens humains on aura encore une analyse différente”, complète toutefois le recteur. “Le premier biais, c’est que tous les fonctionnaires ont l’indexation, et tout un tas de primes, ça renchérit le coût sans améliorer l’encadrement. Le 2e biais, c’est que nous avons beaucoup (une majorité dans le second degré NDLR) de contractuels, qui coûtent moins cher que les titulaires. L’Etat dépense donc plus par élève, mais est ce que ça se ressent dans l’encadrement, les chiffres bruts ne peuvent le refléter. Ensuite quand on est en zone d’éducation prioritaire, c’est normal d’avoir des moyens en plus.”
En termes de ressources humaines, le recteur distingue les premier et second degré. “En matière de taux d’encadrement dans le premier degré, on compte le nombre d’enseignants pour 100 élèves, à Mayotte nous avons un taux très élevé, la moyenne c’est 5,82 au niveau national et nous sommes à 6,20. Donc on est au delà, mais il pourrait être plus élevé, d’ailleurs il est plus élevé dans les autres outre-mer. On est en phase de rattrapage, ça augmente chaque année. Dans le 2nd degré, on a un gros retard, on est à environ 17% en dessous de la moyenne nationale. Le problème c’est qu’on a du mal à recruter alors qu’on scolarise de plus en plus.”
En résumé, “c’est évidemment faux qu’ici on a moins qu’ailleurs”, synthétise Gilles Halbout. “Il y a plusieurs lectures sur les moyens. Il y a les moyens humains, et les moyens financiers, et ce n’est pas totalement corrélé car avec tout le jeu d’indexation, l’Etat met beaucoup plus pour une même personne qu’en métropole. A Mayotte c’est compliqué à calculer car l’Etat compense la part collectivité dans le 2nd degré. Là où on est d’accord avec plein de gens, c’est que l’Etat devrait dépenser encore plus” conclut-il.
Y.D.
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