Souhaitant vanter les atouts de Mayotte à des intervenants métropolitains de passage sur l’île, nous avons dirigé nos pas vers le Parc botanique de Coconi. Méconnu du grand public, la diversité de sa flore fait pourtant plonger le visiteur autant dans une découverte des parfums de l’île que dans l’Histoire de Mayotte. Mais l’accueil pourtant chaleureux par les agents, nous réservait des surprises.
Alors que le confinement du 5 février mettait Mayotte sous cloche, les agents du Parc botanique du Conseil départemental étaient logés à la même enseigne, bien que travaillant en plein air. Pendant ce temps, la saison des pluies battait son plein et de manière plutôt vigoureuse cette année. Plus d’un mois après, le parc s’était transformé en jungle. Et peuplée d’une faune menaçante, puisqu’à leur retour, les agents constataient qu’une grande partie des installations était saccagée. Une vingtaine de poteaux électrique était à terre, pour récupérer les panneaux photovoltaïques qui les équipaient et ainsi éclairer les habitations. Les seuls qui ont tenu bon sont ceux dont l’embase était cimentée.
Une biodiversité ignorée
Sur la partie gauche du Parc, le container verrouillé qui abritait le matériel d’entretien a été forcé et vidé : débroussailleuses, tondeuse, tailles-haie… tout a disparu. « Normalement il y a des gardiens de jour jusqu’à 18h, puis de nuit, mais de plus en plus de jeunes accompagnés de meutes de chiens pénètrent dans le jardin », nous expliquent les agents chargés de l’entretien du Parc. Même leurs vêtements de travail enfermés à clef dans des casiers ont été volés.
Depuis la fin du confinement, les agents ont mis les bouchées doubles pour tenter de redonner au jardin un peu de son aura d’antan. Ils vont et viennent sans brouette ni équipement, avec des ballots sur la tête, pour pouvoir accueillir décemment du public. « Mais vous êtes les premiers d’après confinement », glissent-ils.
Pourtant, le terrain de 3 hectares offre un véritable musée des espèces mahoraises. L’arbre Sandragon, qui pleure de la sève couleur sang, le Thévétia du Pérou où s’abreuvent les Souïmangas, le Colatier pourvoyeur de noix de Cola, le Tacamaca, « dont nous prenions les baies pour jouer aux billes quand nous étions petits et dont la sève était utilisée par les femmes pour l’épilation », un cacaoyer, un caféier, « de l’arabica ici », ou le Rocouyer dont les graines substitut du rouge à lèvres, nous ont permis de nous refaire une beauté. Les cocotiers royaux, les yuccas, les poivriers et girofliers… des témoignages vivant, un objectif rêvé pour des sorties scolaires qu’il faudrait mettre en place.
Des arbres décapités par les vandales
Tout au long du chemin, on aperçoit ça et là, des pans de clôture arrachés qui permettent aux vandales de pénétrer dans le Parc avec leurs chiens, et de se retrouver autour d’un point d’eau. Une source qui ne tarit pas, et qui permettrait d’arroser le parc sans puiser dans les retenues collinaires en saison sèche. Une installation de la compétence du conseil départemental, comme celle de l’entretien des locaux délabrés, par un phénomène d’usure cette fois.
A peine sorti de terre, un nouveau bâtiment a été tagué par les individus qui pénètrent dans le jardin, et qui ne se sont pas arrêtés là, puisqu’ils se sont attaqué à un employé de la société de BTP qui y travaille : « Alors que je m’étais préparé des brochettes, ils m’ont demandé à manger, puis des cigarettes. Je leur ai donné, et puis ils sont revenus avec des barres de fer pour m’arracher mon téléphone. » Depuis, il est toujours accompagné d’un collègue.
Ils ont poursuivi leur œuvre, chombo en main, pour ratiboiser un mandarinier, scalper un palmier, endommager un « 150 maladies », cet arbre dont les feuilles en infusion guérit de tout, à entendre les guides. Face à ces dégâts, ils sont dépités, « ce parc n’est plus une archive comme ça ! Il perd peu à peu de sa substance, qu’est ce que le palmier leur avait fait ?! »
Nous quittons les lieux en passant devant les bambous, qui nous gratifient d’un grincement de mâture de bateaux, une impression d’ailleurs qui doit inciter à se battre pour ce joyau, comme l’a fait La Réunion avec son Parc botanique à Saint Leu.
Nous invitant à une morale, rien ne sert de courir pour l’environnement, il faut entretenir à point.
Anne Perzo-Lafond
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