“Si même les fonctionnaires territoriaux se mettent à faire les zouaves on ne s’en sort plus!” A l’audience de ce mercredi, le président Ben Kemoun n’en finissait plus de gronder le grand mince aux jambes tremblantes qui se tenait face à lui, tête baissé et visiblement alcoolisé.
Ce dernier comparaissait pour le vol qualifié de “consternant” d’une poignée d’euros, le 5 novembre dernier à Chirongui, au préjudice d’un passant totalement ivre. Ce dernier, porteur de 25€ en espèce, avait alors reçu plusieurs coups de lame de ses deux agresseurs. En raison du profil de ces derniers, tous les deux alors employés à la mairie de Chirongui et sans casier judiciaire, le parquet avait décidé de ne pas retenir le “vol avec arme” pour que l’affaire ne finisse pas aux Assises. La qualification de vol aggravé par deux circonstances, en réunion et avec violence, a permis un jugement au tribunal correctionnel en quelques mois.
D’autant que durant la procédure, le prévenu présent à la barre -son complice ne s’étant pas présenté- avait promis de rembourser la somme dérobée. 25€ selon sa victime, 15€ selon lui. Mais à l’audience, il l’avoue, il n’a “pas encore” remboursé les sous. Incompréhensible pour Laurent Ben Kemoun qui voit dans le dossier que l’homme perçoit un salaire de la mairie et que sa femme est également salariée dans la restauration. “Vous avez de bons revenus alors, vous pouvez rembourser 25€, ça calmerait l’affaire”.
Deux autres écueils ont valu au jeune fonctionnaire d’être grondé comme un enfant pas sage. S’être payé le culot de déclarer durant l’enquête qu’il n’irait “pas en prison pour 25€”, d’abord. Or le vol n’est “pas une question de montant” rappelle le procureur Bruno Amouret. Le vol aggravé par deux circonstances est punissable de 7 ans de prison. Et en minimisant le montant volé, l’homme a semblé peu conscient que le plus grave sont sans doute les coups de couteau et les violences en réunion qui ont accompagné le menu larcin.
L’autre écueil, c’est d’avoir comparu à moitié ivre, les jambes flageolantes. Qualifié de “bourré” par le président, l’homme s’en dédie. “J’ai bu mais je ne suis pas ivre” chuchote-t-il.
“Vous auriez pu vous abstenir de boire avant de venir au tribunal”
“Mais ça se voit Monsieur ! tonne le président, vous n’êtes même pas remis de votre cuite d’hier soir ! On se demande même si c’est du café que vous avez bu ce matin. Vous auriez pu vous abstenir de boire avant de venir au tribunal, par respect !”
Et ce dernier de rappeler que l’emploi public du prévenu qui lui vaut un quasi-traitement de faveur de la justice ne tient qu’à un fil. “Il faut avoir un comportement impeccable quand on travaille dans la fonction publique, je ne connais pas le maire de Chirongui mais je pense qu’il n’a pas envie de travailler avec un ivrogne. Tous les jours à la barre on voit des gens qui n’ont rien à perdre, vous vous avez beaucoup à perdre. Si même les fonctionnaires territoriaux se mettent à faire les zouaves on ne s’en sort plus !” poursuit le magistrat, qualifiant de “lâche”, l’agression d’un homme ivre mort au moment des faits.
Le procureur enfonçait le clou. “Ils s’en sont pris à quelqu’un qui était ivre, qui n’avait aucun moyen de se défendre. Je demande 12 mois d’emprisonnement dont 6 mois assortis d’un sursis probatoire et obligation d’indemniser la victime”.
Les juges ont écarté la partie ferme pour donner sa chance au jeune salarié, et l’ont condamné à 6 mois avec sursis probatoire, obligation de soigner son addiction à l’alcool et interdiction de porter une arme. L’absent écope lui de 6 mois avec sursis simple. La victime, elle, ne s’est pas présentée non plus à l’audience.
Y.D.
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