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vendredi 22 novembre 2024
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Bouchons : comment redonner rapidement un peu d’oxygène au trafic

Ce mois d'août, les embouteillages matinaux n’ont pas attendu la rentrée scolaire. Augurant d’une année difficile en prévision. Mohamed Hamissi, Ingénieur territorial en Transports, propose des solutions pour atténuer ce « drame économique et social » pour le développement de l’île.

Il est 6h15 ce mercredi 18 août, et le bitume a un profil de rentrée des classes une semaine avant l’heure. La longue chenille de véhicules dont la tête est à Mamoudzou, se termine devant la prison de Majikavo. Quelques kilomètres plus loin, la barge a fermé ses portes à 6h25, « elle est saturée de voitures, on ne peut même plus mettre un scooter ! », lance l’employé chargé de récolter les tickets. La conférence de presse qui devait se tenir à 7h sur le tarmac de l’aéroport autour de l’avion sanitaire et de l’héli-SMUR commencera avec une heure de retard.

Et chacun de s’interroger sur la situation qui ne manquera pas d’empirer lorsque les plus de 6.000 enseignants de l’éducation nationale et les 100.000 élèves vont réinvestir ce mardi de rentrée, les axes routiers et le seul transport en commun de l’île, maritime donc. Alors qu’il quitte la CADEMA, où il a notamment porté le projet CARIBUS, pour intégrer l’interco de Petite Terre, Mohamed Hamissi répond à nos questions, et propose des solutions simples.

L’ingénieur des Transports n’a pas de baguette magique, et rappelle avant tout que les grands projets structurants que sont Caribus, le contournement de Mamoudzou, le Train bleu ou les navettes maritimes, ce n’est pas pour tout de suite, « il faut attendre 5 à 10 ans ». Or, en attendant, c’est l’embolie, ou comme le dirait un pilote du port de Longoni, « on va crever d’un infarctus de l’autocarde ! » Mohamed Hamissi le dit tout net, « l’économie locale ne va pas résister. Sur l’axe Longoni-Kawéni, 15% du trafic provient du transport de marchandises en container, sans possibilité de doubler pour les voitures. »

Mohamed Hamissi liste les améliorations à réseau routier constant

On sait que l’immobilisme en terme de décisions a prévalu : « Le réseau routier date des années 70, quand circulaient au maximum 1.000 véhicules par heure à Kawéni, on en est à 2.000 en heure de pointe. Le parc automobile croît de 2,5% par an, et nous ne sommes encore qu’à un taux d’équipement de 28% chez les ménages. Il n’hésite pas à qualifier cette congestion de « drame économique, financier et social ». En raison de ses conséquences : « Dans 3 ans, ce sera le K.O., on fera Longoni-Tsoundzou en 3-4 heures. Les employés et les élèves sont obligés de se lever de plus en plus tôt, certains avant 4h du matin, avec une perte de productivité et d’attention. Des automobilistes sont tentés de faire des dépassements dangereux. Tout le monde s’insurge, mais peu de solutions sont proposées à court terme ».

« Les ronds-points ne sont pas des objets urbains »

Avant de livrer des solutions concrètes, il appelle à envisager le problème autrement qu’à l’envers. « On entend par exemple qu’il faut des barges plus grosses, mais jusqu’à quelle taille ? Aucune étude n’a été menée sur les raisons qui poussent les usagers à barger leurs voitures. Si c’est uniquement pour l’aéroport, il faut interroger les politiques publiques en terme de desserte de l’aéroport, de la prise en charge des nombreux bagages, de taxis en nombre suffisants, du dimensionnement du réseau routier de Petite Terre, etc. »

Idem, le contournement de Mamoudzou ne doit pas tomber comme une solution facile : « Faut-il seulement éviter le Grand Mamoudzou ou également revoir le lien Nord-Sud avec un engorgement croissant de Combani par ceux qui évitent Mamoudzou ? »

Les ronds-points vus comme des ralentisseurs sur cet unique axe de circulation

Avant de proposer des solutions, il invite à ne pas réitérer certaines erreurs qui empêchent notamment de fluidifier la circulation sur les RN1 et 2. « Les ronds-points qui ont été installés par la DEAL ne sont pas des objets urbains, ils ralentissent la circulation au lieu de la fluidifier à Kawéni. D’autres part, lorsqu’on va vers Mamoudzou en partant de Longoni, il y a beaucoup d’entrées et de sorties d’établissements, EDM, Disma, et notamment beaucoup de tourne-à-gauche, c’est le cas au centre Kinga, qui ralentissent immédiatement la circulation dans un effet domino. Dès qu’une voiture s’arrête, cela provoque un embouteillage rapidement sur le kilomètre qui suit. On a développé l’urbanisation sans dimensionner le réseau en fonction. L’ampleur du quartier des Hauts-Vallons et les centres d’affaires, sont deux exemples. » Les petits vendeurs qui se sont installés à proximité ne sont pas un atout, « les gens ralentissent puis se garent à moitié sur la chaussée pour acheter. C’est pareil pour l’autostop, tout arrêt de véhicule entraine un bouchon par effet domino. »

Disparition des grands parkings du centre-ville

Pêle-mêle, il y a aussi les « voies de shunt », de dérivation, lorsque des automobilistes passent « par derrière », aux Hauts Vallons ou à Mtsapéré, « cela nuit à la fluidité du trafic lorsqu’ils intègrent la RN », ou les embouteillages « de curiosité », lorsqu’on ralentit à côté d’un accident, « ce sont 600 véhicules qui sont bloqués derrière », ou encore les arrêts intempestifs de taxis, « les gens pensent que c’est un service de porte à porte, il faut communiquer ». Et pour couronner le tout, en saison des pluies, le réseau perd 10% de sa capacité, « lorsque les caniveaux dégorgent ».

Suppression annoncée de 450 places du parking du marché couvert

Les embouteillages sont une perte de chiffre d’affaire pour les taxis, « ils ne se rendent plus à Doujani ou à Koungou, laissant la place aux taxis mabawa (clandestins) ».

La première des solutions rapides, c’est la mairie de Mamoudzou qui l’a en main : « Il faut réviser le plan de circulation en travaillant le plan de stationnement. L’outil régulateur d’une circulation, c’est le stationnement. Si une voiture fait dix fois le tour pour trouver une place, ça ralentit le trafic. Un stationnement payant et que l’on fait respecter, permet d’accélérer la rotation des places ». Un sujet dont l’urgence va s’accélérer avec la disparition des grands parkings du centre ville, « notamment ceux du marché couvert et des camions blancs et rouge. En lieu et place, on installera le pôle d’échange multimodal du projet Caribus. Les politiques publiques doivent y répondre sans tarder ». La mutualisation des parkings publics et privés est aussi avancée comme solution.

Ramassage des agents du CHM

Une autre grande réponse va solliciter les administrations et les entreprises : « Elles doivent mettre en place des Plans de mobilité de ramassage de leurs salariés. C’est ce que le CHM a mis en place. D’autre part, la plupart ont des parkings qui peuvent être réservés en priorité aux ‘covoitureurs’. Il ne faut pas avoir peur d’innover, les administrations et les entrepreneurs jouent gros si le trafic est totalement saturé. »

Les vendeurs du bord de route provoquent des arrêts intempestifs

Les taxis sont bien sûr sollicités. « Quand la route est assez large, il faut leur réserver des petites sections de Tsoundzou aux Hauts Vallons. Ainsi, ils vont recommencer à y circuler, ce qui limitera le nombre de voitures, étant donné qu’ils sont collectifs ici. »

Le vélo est en pôle position, « sous réserve d’apprendre à s’en servir ainsi que le code de la route », notamment l’électriques. Ensuite, étant donné la faible superficie du centre-ville, l’ingénieur conseille de passer en mode piéton, « il faut lui dédier le centre, on peut faire beaucoup de choses à pied. Les véhicules n’ont rien à faire en centre-ville. »

Nous avons gardé le meilleur pour la fin, « et il faut aussi que lorsque la limitation est à 50, l’automobiliste ne roule pas à 30 à l’heure ! », appuie dans un rire, Mohamed Hamissi. Qui conclut sa démonstration par, « le plus souvent, c’est l’automobiliste lui-même la cause de l’embouteillage. »

Sur ce sujet du transport et de la mobilité sur l’île, Mohamed Hamissi se félicite de l’oreille attentive de l’Etat, « la préfecture a toujours témoigné sa volonté de financer, les communes et les administrations doivent en profiter ».

Anne Perzo-Lafond

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