Certains diront fermeté. D’autres diront détermination. Le ministre Sébastien Lecornu n’a en tout cas pas mâché ses mots à quelques heures de son départ de Mayotte, en dressant un pré-bilan de ses quatre jours de visite en compagnie de son collègue de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Le cadre était plutôt festif, avec l’inauguration du marché couvert du Four-à-Chaux que l’Etat a participé à financer, et qui s’inscrit selon le ministre, dans une logique de développement de l’agriculture locale, qui nécessite un travail sur “la distribution” mais aussi “la production”. “Le maire de Dzaoudzi a eu raison de se lancer dans ce type d’infrastructure, il faut avoir de la distribution, ça passe aussi par des marchés de proximité. Il faut des lieux qui soient des lieux de vie qualitatifs”.
Mais cette visite lors de laquelle le ministre s’est vu offrir une louche mais n’a pas acheté de fruits, était aussi l’occasion d’une série de messages plus directs.
Il confirme ainsi comme la veille sa volonté d’accélérer les décasages mais aussi les relogements. “Des moyens humains sont prévus sur la démolition des bangas avec la nomination d’un haut fonctionnaire par les ministères de l’Intérieur et des Outre mer pour, aux côtés des collectivités locales, poursuivre les déconstructions”. Un possible “sous-préfet à la lutte contre l’habitat insalubre” pourrait ainsi venir épauler celui dédié à la lutte contre l’immigration clandestine, poste créé en 2018.
Pour répondre à la tentation du bidonville, des constructions de logements “très sociaux” sont prévues, dès l’année prochaine.
150 logements à 150€/mois
“Ce qu’on veut c’est qu’il n’y ait pas de nouvelles installations et qu’on continue à déconstruire à côté. Quand on ira plus vite sur la déconstruction et sur le relogement, on aura une bascule qui aura des effets positifs sur le territoire. Sur les constructions, nous allons développer des logements avec des loyers à moins de 150€ par mois, une gamme qui n’existe pas sur le territoire, et quand ça existe c’est insalubre, avec des marchands de sommeil, il faut dire les choses telles qu’elles sont. J’espère sortir 150 logements dès l’année prochaine.”
La SIM et Action Logement continueront à œuvrer sur le secteur du logement social classique. Le ministre souhaite aussi voir fleurir des logements en hauteur, comme des barres HLM, actuellement presque inexistants à Mayotte. “Il y a aussi une réflexion à avoir sur l’urbanisme, sur la densification, par endroit il va falloir savoir monter pour loger plus, dans une très grande protection environnementale et des paysages. Il y a une stratégie d’urbanisme à imaginer pour le territoire.”
Mais la lutte contre les bidonvilles est indissociable de celle contre l’immigration clandestine, qui nourrit les marchands de sommeil. Des propriétaires qui encaissent les loyers et qui sont, eux, souvent français. “Sur la lutte contre l’immigration et la lutte contre délinquance, on a beaucoup de choses, on va y mettre les moyens mais il y a un chantier qui n’est pas suffisamment traité, c’est la question des complicités mahoraises, il faut arrêter de se payer le mou, trop de gens qui sont des citoyens français jouent de complicité avec les passeurs et ils vont devoir en répondre, c’est un chantier qui nous attend”, annonce le ministre.
D’une manière générale sur tous les sujets qui seront abordés dans la loi Mayotte, le ministre veut “pousser les curseurs plus loin”, notamment en matière de Santé, où Dominique Voynet a émis plusieurs propositions avant son départ dans quelques jours.
“Pousser les curseurs un peu plus loin”
“Ce déplacement nous a permis de voir qu’il y a un encouragement du territoire à ce que cette loi soit présentée dans les meilleurs délais, on peut encore pousser les curseurs un peu plus loin”.
Notamment pour la jeunesse, pour qui tout se jouera sur le terrain administratif : à en croire le ministre, qu’importe les études, seuls les papiers comptent pour s’intégrer.
“On a annoncé plus d’un million d’euros pour que des associations puissent se mobiliser sur ces jeunes. Des jeunes qui ont fait des études, qui connaissent désormais bien Mayotte, et qui sont en situation irrégulière, ont vocation à être reconduits à la frontière” a-t-il tranché, alors qu’il était interrogé sur le sort de ces bacheliers méritants qui peinent à obtenir des papiers et qui se retrouvent privés d’études et de permis de travail.
A l’inverse, “s’ils ont un titre de séjour, ils ont aussi vocation à un moment donné à avoir un avenir, ou alors il n’est pas renouvelé pour de bonnes raisons. Les instructions du gouvernement sont claires, quelqu’un qui a un titre de séjour et qui s’engage dans un parcours délinquant, a vocation à le perdre. La question c’est celui qui n’est pas un délinquant et qui a un titre de séjour, que devient-il, ça fait partie des missions du gouvernement pour ce public particulier” concluait-il.
La clé serait peut-être dans une accroissement des moyens humains de la préfecture pour traiter les demandes légitimes avant de voir plonger de jeunes diplômés dans la précarité. Puisque les curseurs ont vocation à “être poussés plus loin”, l’espoir est permis.
Y.D.
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