La restructuration des transports est en marche. Et pas seulement par la mer ! La mairie de Mamoudzou avait donné le « la » avec un premier projet de transport en commun urbain, puis le CARIBUS avait évolué en bus interurbain sous la patte de la CADEMA, et c’est enfin le conseil départemental qui avait concocté en 2018 un marché de transport à l’échelle du territoire. Les deux premières institutions avaient intégré les taximen, cette profession qui conjugue transport individuel et collectif à Mayotte, une sorte de covoiturage subi, visionnaire quant à la dépense énergétique au regard de leurs confrères métropolitains.
Mais ces derniers craignent d’avoir été les grands oubliés du plan de transport en commun du Département, écrit par l’ancien exécutif du conseil départemental, dont faisait partie le président du conseil départemental Ben Issa Ousseni. Et se sont constitués au sein d’une Intersyndicale des taxis de Mayotte, qu’ils ont médiatisé ce jeudi. Seuls deux patrons étaient présents : Ahamadi Saïd, président de l’Union des Taxis de Mayotte (UTM), et Younoussa Hamada, Fédération des Professionnels Taxis de Mayotte (FPTM). Le coordonnateur de l’Intersyndicale Abalkini Chanfi, nous indique qu’en font également partie, Madi Baco, Président de la Fédération Syndicale des Artisans Taximen de Mayotte (FATM), Mohamed Abdoul Haffour, Président du Groupement des Artisans Taxis de Petite Terre (GATPT) et Mansour Kamardine (pas le député !), Coopérative Taxi Vanille 976.
Des licences fantômes
Si Ahamadi Saïd et Younoussa Hamada représentent chacun une centaine de taximen, ils peinent à donner un chiffre sur le nombre de collègues sur le territoire. « Leur recensement par la préfecture date de 2007, il faudrait le réactualiser. A l’époque, environ 400 taxis collectifs couvraient Mayotte, pour 660 licences ». La préfecture, qui les délivre, avait assuré faire le ménage sur ces plus de 200 titres professionnels dans la nature. Mais il n’en serait rien, « au contraire, la situation a empiré. De nouvelles licences ont été attribuées à des personnes qui ont juste un titre de séjour, qui n’auront donc pas les reins solides pour investir et maintenir leur flotte de véhicule à niveau », maugréent les taximen. Ils demandent un nouvel état des lieux, et un nouvel arrêté préfectoral.
Mais s’ils sont là, c’est surtout pour partager leur inquiétude de ne pas avoir leur place dans le prochain plan de transport en commun, « alors que nous sommes un pan de l’histoire patrimoniale de l’île, cela fait 50 ans que nous existons ». Ils ne vont pour autant pas s’exposer ce week-end de Journées du patrimoine, mais envisagent une marche ce lundi 20 septembre de 10h à midi, « pour marquer le jour de clôture des réponses du marché départemental de transport ».
Leur éviction serait d’autant plus douloureuse, qu’ils avaient été soutenus dans leurs projets de développement et de remise aux normes par le même conseil départemental avec une subvention de 6 millions d’euros d’aide, soit 10.000 euros par artisan, « on est obligé de faire un prêt pour acheter une voiture de 45.000 euros, et après on nous exclut ! » D’autre part, sur les 6 millions d’euros, seuls environ 800.000 euros auraient été dépensés, et encore, « certains qui sont passés en commission en 2019 n’ont toujours rien reçu ». Il en va de la confiance dans l’institution souligne Abalkini Chanfi, « après, il ne faut pas leur demander d’investir dans le matériel ».
En réalité, les taxis ont bien été intégrés dans le nouveau plan de transport territorial, mais sous un format revisité. Entre deux réunions sur le sujet ce jeudi après-midi, à deux jours ouvrés de la clôture du marché, Ben Issa Ousseni s’explique : « L’organisation des transports interurbains comprend 3 zones, Dzoumogne, Coconi et Chirongui. Elles organisent chacune des boucles de desserte, et les taxis sont destinés à acheminer les personnes vers les pôles multimodaux. » Comme leur nom l’indique, ces points sont les nœuds névralgiques où les usagers passent d’un mode de transport à l’autre. Pour être clair, à la fin de votre journée de travail à Kawéni, vous attrapez un taxi qui vous achemine vers la boucle de bus du Nord pour rejoindre votre domicile à Bandraboua.
Si cette réorganisation paraît coller aux besoins de désengorgement du territoire, elle n’est sans doute plus adaptée à la réforme territoriale. « Lorsque nous avions pensé ce plan de transport en 2018, nous avions calqué la méthode sur celle menée pour le transport scolaire. Un seul lot tout d’abord, le temps que les entreprises locales s’organisent, puis, on allotit ensuite quand elles sont prêtes à répondre aux marchés. Mais entretemps, les interco ont délibéré pour récupérer la compétence du transport*, donc nous ne pouvons plus l’organiser. »
Le redécoupage en 3 boucles pourrait donc perdurer, mais assurée par les communautés de communes ou les communautés d’agglomération. L’interconnexion entre elles serait alors assurée par le conseil départemental. On semblerait s’orienter vers cette configuration, même si aucune décision n’a encore été prise, rapporte le président du Département.
Anne Perzo-Lafond
* Hormis la communauté de commune de Petite Terre
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