Cheffe de cuisine, animatrice d’émissions de cuisine à la télévision, fondatrice du salon de la gastronomie des Outre-mer, Babette de Rozières a reçu une lettre de mission de Sébastien Lecornu pour « dresser un état des lieux, jamais réalisé jusqu’à présent, de toutes les cuisines des Outre-mer et de mettre le patrimoine culturel ultramarin à l’honneur », mais aussi afin « d’être à l’écoute de filières durement touchées par la crise sanitaire ». Elle doit visiter 9 territoires, Mayotte est le 2ème sur sa liste après La Réunion.
Nous l’avons rencontrée dans les allées du marché couvert de Mamoudzou… très en colère : « Rien n’est organisé pour que je rencontre les acteurs qui pourraient mettre en valeur le patrimoine culinaire de Mayotte. Je suis arrivée à l’hôtel, l’accueil était nul, on m’a dit votre chambre c’est là-bas, c’était sale et il y avait des crottes sur le lit ! Et aucun plat de gastronomie locale. J’ai claqué la porte ce matin, mais je me retrouve sans hôtel ! » Dont nous tairons le nom, « mais la critique fait avancer », justifie-t-elle. Une bisbille avec l’établissement qui l’aura mise en retard sur le reste du programme, donc plus d’interlocuteur à la chambre professionnelle ce vendredi matin, « heureusement il y avait le président de la Chambre d’agriculture, mais personne de la CCI, ni de la Chambre des Métiers. »
La guadeloupéenne n’a jamais eu sa langue dans sa poche, elle poursuit : « Rien n’est organisé. Le programme a été balisé par le ministère des outre-mer depuis plusieurs mois, mais qui me guide ? ». A ses côtés au marché couvert, un représentant du SGAR de la préfecture néanmoins, également chargé de la traduction, « j’avais tout balisé, mais nous avons pris du retard sur l’emploi du temps à l’hôtel de matin », nous glisse-t-il. Personne du Comité du Tourisme (désormais Agence d’attractivité et du développement touristique), et aucun point presse n’est prévu avec cette personnalité médiatique et femme politique, « je ne suis pas ici pour faire joli, j’ai des entreprises à faire tourner et je suis une élue de la Région Ile-de-France ». Eclair sur le gâteau, la visite d’une unité de production alimentaire industrielle… « mais qui peut penser que ça m’intéresse alors que tant de petits producteurs ou de petits transformateurs ont besoin d’être épaulés ?! »
« Quelle image on va donner ?! »
Même écho chez les acteurs de terrain. Son programme l’amène chez Némati Toumbou-Dani, hôtel Domaine de Kavani et Domaines des Epices, « on m’a averti la veille de son arrivée, explique cette dernière, et je dois tout mettre en place pour l’accueillir, mais je ne peux pas lui proposer de chambre, nous affichons complet. Il aurait fallu anticiper. Je vais payer moi-même un groupe, tout comme Taambati qu’elle doit rencontrer à Boueni, qui va faire venir un groupe de Debaa à ses frais pour l’accueillir. Quelle image on va donner ? », se lamente-t-elle.
Du côté de la préfecture, Laurence Carval, directrice de cabinet, évoque un programme « conçu en amont, par le ministère des Outre-mer ». Notamment, le choix de l’hôtel. « Nous avons mis en place l’accueil à l’aéroport, et les acteurs du secteur devaient prendre le relais, organisé par la collaboratrice de Mme de Rozières », se défend-elle. Quant à l’absence de communication aux médias, il s’agit d’un « loupé ». Il suffit de lire le programme pour comprendre qu’il a été rédigé à l’extérieur du territoire, le déplacement vers le village de Dembéni est noté Hironi Be.
Un manque de coordination certain entre Paris et les services de la préfecture à Mayotte, doublé d’un niveau d’infrastructures inférieur à celui de La Réunion, « on ne peut soutenir la comparaison », commente Laurence Carval, à cheval entre une visio et une rencontre avec les transporteurs scolaires en tension. Commencer par Mayotte aurait été plus judicieux.
Pendant sa visite, la passionaria de l’art culinaire pourra se remonter le moral au Banga du chocolat à Combani, puis au lycée hôtelier de Kaweni, et au Parcours Ylang, séchoir à vanille, Aromaoré avec notamment les équipes de la 3CO, et assistera à la fabrication du sel de Bandrélé avec les Mama Shingo, et à la pratique de la pêche au Djarifa avec Taambati Moussa.
Elle nous explique aussi être venue pour recueillir les doléances des filières agricoles et culinaires, et lister les produits à mettre en avant, « nous allons travailler sur la mise en place d’un label pour inciter les gens à faire de la qualité. »
Avant son départ dimanche, Babette de Rozières visitera le marché couvert de Dzaoudzi, où elle pourra déguster les premières mangues de la saison. Espérons qu’elle quitte Mayotte sur cette dernière note positive…
Anne Perzo-Lafond
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