En 2017, l’annonce du report de la mise en place du conseil des prud’hommes provoque l’ire des syndicats patronaux et des salariés UI CFDT, UD FO, CGT Ma, Medef, CGPME et CFE CGC, qui décident de ne plus envoyer de représentants au tribunal de Travail.
Quelques années plus tôt, la mobilisation s’étalait dans la rue, pour réclamer l’application du code du Travail du code du Travail de droit commun à Mayotte, et quand elle fut obtenue, pour en contester les adaptations. Le report de la mise en place du Conseil des Prud’hommes en faisait partie.
C’est au sein de la corporation des pêcheurs au XIIIème siècle que serait née ce qui deviendra une institution mettant en avant les professionnels d’un secteur pour régler les litiges qui concernent leur profession. Le conseil des prud’hommes a pour mission de juger les conflits issus d’un désaccord entre salarié et employeur. Il prévoit également que les magistrats ne soient plus des juges professionnels mais des salariés et des employeurs nommés par l’État sur proposition des organisations syndicales et des organisations professionnelles. Pour le saisir, le salarié doit déposer une « requête » au greffe du Conseil de prud’hommes.
Posséder l’abécédaire du code du Travail
Avant de l’appliquer à Mayotte, il fallait mettre en place le code du Travail de droit commun, en lieu et place du code du Travail spécifique à l’île. Et qui de mieux que Dominique Ledemé pour suivre ce dossier. Directeur du Travail sur notre territoire en 1990, c’est à lui qu’on doit la rédaction du code du travail applicable à Mayotte, puis la transposition du Code du travail de droit commun en 2017, pour une application le 1er janvier 2018. Un véritable défi puisqu’il s’agissait de mettre en place les conventions collectives, les 35h, les ruptures conventionnelles, etc. « Il fallait digérer tout cela avant de penser à mettre en place le conseil des Prud’hommes où les conseillers doivent défendre les leurs en toute connaissance du nouveau code du Travail », nous explique Dominique Ledemé.
C’est ainsi qu’en 2018 trois représentants des ministères de la Justice, des Outre-mer et du Travail organisent l’accompagnement des salariés et des employeurs qui seront désignés par les organisations syndicales.
La ministre de la Justice de l’époque, Nicole Belloubet, estime alors que « les conditions permettant un fonctionnement normal du conseil des prud’hommes de Mayotte – notamment le recrutement d’un vivier solide de conseillers et leur formation – n’étaient pas réunies ». Ils sont 30 (15 issus des organisations syndicales et 15 des organisations patronales), à être entré dans un cursus de formation approfondie, notamment lors d’un séminaire des vocations organisé en 2019. Il a été suivi de plusieurs modules de formation en droit du travail et en procédure judiciaire.
Les ministères gardent un œil dessus
Pour Dominique Ledemé, deux défis étaient à relever, former et inciter à candidater pour devenir conseiller. « Finalement, beaucoup ont fait montre d’un réel intérêt à siéger dans la structure », rapporte-t-il. Et se réjouit d’un niveau qui a franchi un cap, « nous allons continuer à accompagner leur montée en puissance ».
Le préfet Thierry Suquet explique que « les besoins en immobilier et en ressources humaines aient été identifiés pour garantir que le conseil des prud’hommes démarre immédiatement comme une juridiction à part entière ».
Dans le cadre d’un nouveau déplacement du 4 au 10 octobre, la même mission menée par Dominique Ledemé a pu rencontrer les autorités de l’île, les magistrats, les organisations syndicales et patronales ainsi que les personnes proposées comme conseillers prud’hommes.
Les missionnaires ont donc préconisé le maintien de l’engagement des ministères pour effectuer un suivi et un accompagnement de l’ensemble des acteurs du futur conseil de prud’hommes (greffier, conseiller, juge départiteur…etc.).
Enfin, ils ont également insisté auprès des partenaires sociaux sur la nécessité de poursuivre leur investissement notamment en assurant la formation continue des conseillers. « Ces derniers sont à la fois impatient de commencer à siéger et sollicitent encore un accompagnement, nous restons à leur côté », conclut Dominique Ledemé.
Les conflits en droit du travail, encore gérés jusqu’au 1er janvier 2022 par le tribunal du Travail, représentaient environ 150 jugements par an.
Anne Perzo-Lafond
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