On se souvient de l’élection départementale tendue à Chirongui, où des électeurs avaient saisi la justice, se plaignant d’être empêchés de voter. La tension était alors à son comble à la mairie où des électeurs se massaient pour obtenir le droit de déposer leur bulletin dans l’urne. Des violences auraient alors eu lieu, et la sœur de la candidate Mariame Saïd Kalame, a été interpellée par le chef de la police municipale. Deux versions s’affrontent dans ce volet de l’affaire qui doit être jugé le 25 janvier : d’un côté la dame accuse le policier de l’avoir giflée, faits pour lesquels il n’y a pas de plainte à ce jour [EDIT une plainte a bien été déposée indique Me Tessoka] . De l’autre, le fonctionnaire accuse cette dernière de violences sur personnes dépositaire de l’autorité publique : c’est ce qui doit être jugé en janvier.
C’est dans ce contexte tendu que l’ancienne maire de Chirongui, désormais conseillère municipale d’opposition, a tenu un meeting de campagne le lendemain de cette interpellation mouvementée. Dans son discours en shimaore, elle prenait le parti de la sœur de son alliée politique, relayant sa version sans trop de prudence dans les propos. “Ce n’est pas à Cédric qui vient de métropole de venir battre la population juste parce qu’on lui a dit qu’il est policier municipal” aurait-elle prononcé, selon une traduction validée par huissier, et qui faisait foi au tribunal. Elle y décrivait également le policier comme “mzungu” affirmant être “chez moi” par opposition au “blanc ne dira pas qu’il a une maison ici”. Ce qu’il a interprété comme une approche raciste des accusations de violences. Une traduction sujette à débat. “C’était juste pour dire à la population d’aller voter massivement et de ne pas se laisser intimider par ces personnes-là et de ne pas avoir peur” tempère Roukia Lahadji à la barre, estimant que le fonctionnaire qu’elle avait recruté trois ans plus tôt s’est bien immiscé dans l’élection. “C’est ce qui se passait, moi même j’ai du mal à comprendre, j’ai été maire pendant 12 ans et je n’ai jamais vu cela” maintient-elle.
“Je ne suis pas raciste”
Cédric Maleysson lui, balaye toute accusation en bloc. “La politique c’est une chose, en tant que fonctionnaire je suis à part. On m’a demandé d’organiser les meetings, je l’ai fait dans la plus grande équité” assure-t-il. Pour lui, ce discours, filmé et relayé sur Internet, lui a porté préjudice. “Le lendemain dans la rue des gens m’ont dit ‘toi le blanc tu es là pour nous taper ? Rentre chez toi’ et ça a duré plusieurs mois. Moi qui suis venu à Mayotte pour faire avancer le département, je me suis senti blessé, on est tous ici chez nous sur le territoire français. Je me suis senti attaqué sur ma fonction et sur ma propre personne” déplore le policier, soutenu au tribunal par ses collègues. Il réclamait 15 000€ d’indemnisation, tout en assurant n’être “pas là pour l’argent” et promettant s’il était indemnisé, de remettre les sommes perçues “à une association, comme le CCAS, ou même Nayma” [l’association présidée par Roukia Lahadji et qui œuvre à l’insertion par l’emploi NDLR].
Pour Me Tessoka, avocat de Roukia Lahadj, le tribunal était surtout “instrumentalisé à des fins politiques”, le policier ayant selon lui appelé à voter Mansour Kamardine, par ailleurs son avocat au début de la procédure. Sa cliente s’est elle aussi dite blessée par cette procédure. “Je ne suis pas raciste, c’est à l’opposé de mes valeurs, la xénophobie, c’est ce qui est en train de nous tuer à Mayotte” a-t-elle conclu en fin d’audience.
Du racisme, le tribunal n’en a finalement pas vu dans ses propos, et l’a blanchie sur ce point. Mais en parlant de violences que la justice n’a pas établies, elle s’est rendue coupable de diffamation ont estimé les juges. “le tribunal a estimé que les propos, d’avoir déclaré qu’il avait battu, comme ça n’a pas encore été jugé, vous ne pouviez pas le prononcer et ça portait atteinte à son honneur.” a expliqué le président, prononçant une peine symbolique de 100€ d’amende avec sursis, 50€ de dommages et intérêts et 500€ de frais d’avocat à rembourser au plaignant.
Un appel reste possible sous 10 jours, mais chacun semblait, à l’extérieur du tribunal, trouver une forme de juste milieu dans cette décision.
Y.D.
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