Le JDM : Quel est l’objet de votre visite à Mayotte ?
Cédric Boyer : “L’idée c’était de manière générale de faire un tour de tous les départements, territoires et collectivités d’outre mer où se trouve la police et de faire un état des lieux général des moyens humains, matériels, des missions, des difficultés. L’idée étant l’année prochaine de remettre un cahier revendicatif au ministère. A Mayotte jusqu’à jeudi prochain, je vais rencontrer les instances et être auprès des collègues de jour comme de nuit pour voir toutes les problématiques, car au quotidien c’est très compliqué.”
Mayotte est organisée en DTPN depuis plus d’un an, quel bilan en tirez-vous ?
“La DTPN à la base c’est un projet ambitieux qui a pour but d’avoir un commandement vertical et de mutualiser les moyens humains et matériels. La première problématique quand on a un projet ambitieux, c’est d’y mettre les moyens. Or, dès le départ, le ministère nous a annoncé que ça se ferait à effectifs et moyens constants. Alors qu’on avait signalé ces manques de moyens, on voit deux ans plus tard que les problématiques arrivent. Un rapport de l’IGPN de 50 pages démontre ces problématiques et le fait que passer au 1er janvier la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe en DTPN, on espère que les leçons seront tirées, sans moyens humains et matériels ça ne peut pas fonctionner.”
Les moyens ont été augmentés à Mayotte depuis 2018, cela suffit selon vous ?
“A Mayotte les moyens ne sont pas suffisants, et de manière générale en outre mer, on a du mal à recruter, on a des problématiques liées au matériel. Les coupures d’eau par exemple c’est compliqué pour la population, pour les collègues, il faut que les politiques se mettent sur la table pour une vraie politique sécuritaire et égalitaire.”
Justement, la situation est-elle comparable dans les autres territoires d’outre mer ?
“Il y a des disparités assez flagrantes dans chaque entité ultramarine. On retrouve d’une manière générale les mêmes problèmes d’insécurité car il faut bien le dire, il y a une espèce d’abandon des services de l’Etat en outre mer, ces problèmes ne viennent pas d’un seul phénomène mais de plusieurs sujets de société. On ne va pas retrouver les mêmes causes en Guyane en Guadeloupe ou à Mayotte, même s’il est vrai qu’à Mayotte, on retrouve quand même une grande violence comme on peut la retrouver en Guyane.
Ce qui se passe aux Antilles aujourd’hui n’est qu’un énième épisode, un coup c’est la Guyane, un coup c’est les Antilles, un coup c’est La Réunion, il y a toujours quelque chose. Mais il faut distinguer ce qui se passe aux Antilles avec les antivax, on y a en face de nous des criminels qui n’hésitent plus à tirer à balles réelles sur les policiers, il y a un vrai phénomène du trafic d’armes et de stupéfiants. En Guyane où presque tout le monde a un fusil, c’est le département français qui a le plus d’homicides. On paye un peu l’inaction de tous les gouvernements successifs depuis des années.
A Mayotte on n’a pas encore de gros trafic d’armes, mais si on n’intervient pas maintenant, Mayotte dans 10 ans ça sera la Guyane puissance 10. Tous ces gens désœuvrés et livrés à eux mêmes qui en sont à frapper des gens pour manger, vous verrez que dès qu’on va leur donner des armes, le taux de criminalité va exploser. A un moment donné l’Etat doit prendre conscience qu’envoyer des renforts, nettoyer les routes et débloquer des fonds de manière ponctuelle parce qu’un ministre se déplace, ce n’est pas une politique.”
Quel bilan tirez-vous de la situation en outre mer en général, et quelles solution faudrait-il apporter ? Plus de police ? De justice ? D’éducation ?
“Ce qu’on constate c’est qu’il y a une montée de la violence, mais les chiffres on leur fait dire ce qu’on veut, mais le constat est clair et limpide, la violence monte en outre mer, y compris à Mayotte. Les gangs de filles ça n’existait pas il y a quelques années. Tout ça ce sont des signaux envoyés par la population, par la vie sociétale, si on ne prend pas tout ça en compte, un jour ça va exploser.
Il faut donc plus de tout, plus de justice, plus de formation, plus d’éducation, plus de moyens. Quand on voit à Mayotte des gamins de 8 – 9 ans qui errent la nuit, en l’absence de parents, si on ne met pas autour de la table tous les acteurs, on n’y arrivera pas. Ce n’est pas qu’un problème sécuritaire, c’est un problème global de société.”
Propos recueillis par YD
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