Comme exposés au centre du village en souvenir de ce week-end douloureux, trois véhicules calcinés et mis en miettes, dont un minibus. Depuis lundi, si tout est redevenu plus calme, la peur ne quitte pas pour autant les habitants. « Lundi soir, on était terrés chez nous, on nous disait que la bande rivale de Majikavo allait revenir », rapporte Farida* qui habite sur les hauteurs du village de Koungou. Elle a failli se faire voler son téléphone portable alors qu’elle passait en scooter avec son mari pour rejoindre leurs enfants dimanche en revenant de la campagne dans l’après-midi, sur la route principale devant la bibliothèque, « des jeunes se sont agrippés à mon téléphone, et les adultes autour rigolaient ».
Tout commence samedi quand un jeune adulte originaire de Koungou, qui n’y habite pas, vient y manger des brochettes. Houspillé par quelques jeunes, il s’installe au volant de sa voiture, « il a démarré en trombe et aurait touché un des jeunes », explique un adulte sur place, qui connaît bien les ados de la commune. Il n’était pas présent, mais recoupe les récits. Les jeunes auraient bloqué la voiture, sur laquelle ils se sont acharnés à coup de chombo (machette) avant d’y mettre le feu. En réponse, le propriétaire du véhicule, « quasiment neuf », part chercher du renfort à Majikavo, pour brûler et caillasser des habitations et des véhicules au lotissement Manga vers la SIM, dans la rue du Dispensaire. « Deux jeunes de Koungou leur servaient de guide ». Partis vers Dagoni, à la sortie de Koungou, ils pillent le magasin de la mère d’un jeune qu’ils recherchent, blessent son petit frère de 13 ans, et s’habillent avec des vêtements de femme dérobés pour ne pas être reconnus, « et ils mettent le feu aux véhicules garés sur la place de La Poste ». Alors qu’il était pris en charge pour des soins au dispensaire, un jeune de Koungou a été malgré tout agressé à coups de machette, il était toujours hospitalisé ce mardi.
En réponse, dimanche, des jeunes de Koungou sont partis à Majikavo brûler des véhicules, dans un cycle infernal de représailles.
Sur place depuis le samedi soir vers 20h, les gendarmes mobiles ont dispersé les éléments violents avec des gaz lacrymogènes, en échange de jets de pierres jusqu’à 23h environ. La chaussée a été libérée. Ils sont de nouveau intervenus dimanche.
« L’un est au RSMA, l’autre magasinier »
Du côté des autorités, ce sont d’abord les imams qui sont intervenus, « à l’appel des sages du village », pour diffuser des messages d’appel au calme, « dans les mosquées de Koungou, après la prière de 18h ce dimanche », rapporte toujours notre interlocuteur. Des consignes d’apaisement étaient délivrées, les invitant à ne pas se rendre à Majikavo.
A la mairie de Koungou, un agent travaille particulièrement à l’insertion des jeunes en collaboration avec le Centre Communal d’action sociale (CCAS), et déplore cette nouvelle escalade de violences : « Cela commence avec celui qui est agressé, en l’occurrence le conducteur de la voiture, qui part chercher du renfort. Plus que la délinquance, c’est l’engrenage qui est ensuite difficile à stopper. C’est là-dessus qu’il faut travailler ». La loi du Talion est encore très implantée ici.
Un travail de grande ampleur est mis en place dans la commune, dont nous avons déjà rapporté les actions. Mais cette fois, nous apprenons au détour d’un couloir de la mairie que les deux protagonistes, côté Koungou et côté Majikavo, ne sont pas des jeunes en errance, « les deux instigateurs de tout ça, originaires tous les deux de Koungou, sont insérés. Celui qui est allé chercher du renfort à Majikavo est au RSMA, et l’autre est magasinier. C’est démoralisant », lâche notre interlocuteur. Ce sont eux qui instrumentalisent les jeunes ensuite. Leurs identités auraient été remises à la police municipale qui doit en informer la gendarmerie, « on espère que les investigations seront aussi rapides que dans d’autres dossiers », nous rapporte-t-on. Personne ne veut être cité, « par peur de représailles ».
Facile pour ces jeunes adultes de mobiliser une jeunesse bouillante, d’en faire de la chair à canon, mais ils mettent à sac d’un coup, tout ce que les associations et le CCAS bâtissent lentement. Pire, ils en ont profité, et plombent les plus jeunes.
Un vrai travail d’insertion mené par le CCAS
Depuis le mois de novembre, 25 jeunes de la commune de Koungou ont été insérés au sein de l’association Nayma, crée par Roukia Lahadji, « ils ont un contrat d’un an sur des chantiers d’insertion », nous explique notre agent communal. « Le maire a mis à disposition sur un mois un bus de 25 places pour les acheminer, qu’il vient de prolonger sur 3 mois, pour éviter que ces jeunes abandonnent le projet ».
Ce dispositif vise des jeunes éloignés de l’emploi, en difficulté sociale et qui peuvent poser des problèmes, ainsi que des mamans à charge de famille, « ce sont des jeunes de Majikavo et de Koungou, dont les dernières recrues datent du 27 décembre. Certains portent des gilets fluo, et sont postés devant le CCAS, devant le collège de Koungou, et devant les deux arrêts de bus. Nous allons en récupérer d’autres ».
Sont aussi sollicitées les institutions, « nous avons négocié avec Pôle emploi leur inscription rapide, le processus d’insertion a été mis en place en moins d’un mois », et les entreprises locales, « nous visons des sorties positives avec une embauche dans l’une d’elle à chaque fois. » Pour inciter les jeunes à s’inscrire, une permanence de Pôle emploi et du RSMA sera bientôt mise en place dans la commune à travers une convention, « car ils disent qu’ils ont peur de se faire racketter quand ils vont à Combani ».
Le problème majeur, ce sont les jeunes sans papier, « ils ne sont pas insérables, alors que plusieurs sont nés ici, mais n’ont pas fait la démarche à leurs 13 ans. On ne peut rien faire avec eux. » Les équipes du CCAS ont commencé à les répertorier, pour traiter les situations au cas par cas.
Les acteurs de l’insertion attendent beaucoup de la justice sur les évènements du week-end, afin que les sanctions aient valeur d’exemple. Et essaient de faire passer le message d’en référer aux autorités lors d’une agression, au lieu de la loi du Talion qui fait à coup sûr un perdant, la société, et les habitants qui ne demandent qu’à vivre en paix
Anne Perzo-Lafond
* Prénoms modifiés
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