Dans le contexte de gestion aléatoire de la production d’eau potable que nous traversons, un article du site actu-environnement revient sur les difficultés que vont avoir les îles ultramarines françaises pour relever le défi du bon état de leurs masses d’eau, conformément à la directive-cadre sur l’eau.
Au niveau qualité de l’eau, c’est la Corse qui s’en sort le mieux, avec un bon état à 88% de ses eaux superficielles, qu’il soit chimique* ou écologique*. Pour les autres DOM iliens, la pollution est en cause. Avec un mauvais état écologique des cours d’eau à La Réunion, et des pollutions nommées chlordécone en Guadeloupe, et l’insecticide organochloré en Martinique.
A Mayotte, et selon le document d’accompagnement du SDAGE (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) 2022-2027 que nous avons compulsé, les facteurs déstabilisant la qualité de l’eau sont multiples et évolutifs : « En 2013, les pesticides étaient principalement responsables du déclassement de l’état chimique, alors qu’en 2019, le déclassement est causé principalement par les DEHP(substance toxique pour la reproduction), provenant de l’incinération, des décharges, du déchiquetage de voitures, des déchets restants dans l’environnement ».
1/11… une mauvaise note qui impose de traiter davantage
Conséquence, ce sont les masses d’eau de surface qui souffrent le plus : sur les 11 qui visaient le 20/20 en 2021, une seule l’atteint, et deux sont classées comme fortement altérées par l’activité humaine (MEFM, masse d’eau fortement modifiée).
La bonne note, ce sont les masses d’eau souterraines qui l’obtiennent à Mayotte : « l’objectif était de 100% de bon état en 2021, effectivement, 100% des masses d’eau l’ont atteint », souligne le document. Bonne nouvelle quand on sait que nous tapons dans les nappes aquifères en saison des pluies.
Le reste de l’année, nous puisons dans les eaux superficielles des retenues collinaires et des captages en rivière. Une eau traitée évidemment, et c’est toute la difficulté du contexte qui a induit les coupures d’eau : les usines de traitement de l’eau, sous-dimensionnée par manque d’investissement du SMEAM ces dernières années, ne peuvent égaler la demande. Si l’équipe actuelle du syndicat redresse la barre, il faut encore investir dans les capacités de potabilisation. Malgré les pluies diluviennes de ce week-end qui ont rempli les retenues collinaires, nos robinets restent à sec deux fois par semaine.
Ce fut d’ailleurs une performance de respecter les gestes barrière chez soi comme dans les écoles, lors de la vague Omicron de ce mois de janvier. La survie passe par les récupérateurs d’eau de pluie.
Dompter la démographie
Pour contenir la pollution, des efforts ont été faits depuis ces 10 dernières années, en matière d’organisation des dépôts des déchets notamment. Mais le déficit d’assainissement et les dépôts sauvages de déchets, perturbent toujours l’état écologique des nappes d’eau. Un programme de 306 actions est établi dans le SDAGE, sur huit domaines d’actions : l’agriculture, l’assainissement, la gouvernance – connaissance, les industries et artisanats, la ressource, les déchets, les pollutions diffuses hors agriculture et les milieux aquatiques.
Mais les freins sont nombreux, et le document pointe notamment « l’accroissement démographique important » et des « comportements sociaux sources de difficultés », on imagine qu’il fait référence au lavage en rivière et aux dépôts sauvages de déchets. On y retrouve aussi la « carence en gouvernance sur certains sujets clés », et « une absence de maîtrise d’ouvrage », liés notamment aux dérives de la précédente équipe du Syndicat des eaux, ce qui induit « une difficulté de mise en œuvre des politiques publiques dans un contexte insulaire fragile ».
Pointée en n°1, la densité démographique reste donc une donnée entêtante sur plusieurs sujets, dont Mayotte ne parvient pas à se défaire. On aurait aimé qu’il y ait eu une suite à « 1, 2, 3, basi », ou plus exactement, une nouvelle version de la campagne de régulation des naissances d’il y a 15 ans.
Canaliser la densité de population, c’est limiter son impact sur la nature, et sur le traitement de l’eau.
Anne Perzo-Lafond
* L’état écologique d’une masse d’eau correspond à sa structure et à l’état des écosystèmes aquatiques qui y vivent. L’état chimique d’une masse d’eau de surface est déterminé par la présence ou non de 41 substances, 8 substances dites dangereuses et 33 substances prioritaires
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