Elle nous a fait des frayeurs alors que deux coupures d’eau hebdomadaires rythmaient nos robinets, la pluie s’est faite attendre. Mais sa saison ne nous déçoit pas : les abats d’eau qui ont fondu sur l’île ce jeudi en sont une illustration, tous les jours ou presque une alerte jaune pour fortes pluies ou orages est émise par Météo France. Les retenues collinaires se remplissent inégalement.
Celle de Combani atteignait 91% de remplissage et celle de Dzoumogne 48%, avant le fort épisode pluvieux de ce 3 mars. Un décalage qui vient vraisemblablement d’un différentiel de pluviométrie. Nous avons contacté Laurent Floch, directeur territorial de Météo France pour y voir plus clair, et pour savoir ce que lui révélaient les astres en terme de prévision.
Bien que tardive, la saison des pluies a une activité soutenue cette année : « Commencée fin janvier, donc tard, cette saison nous livre un niveau de précipitation soutenue depuis, et un nombre de systèmes cyclonique relativement intense, puisque nous en avons eu 5 en 5 semaines. Dont deux majeurs qui ont touché des terres habitées, Batsirai et Emnati. » Ce qui est conforme aux prévisions, « nous avions annoncé une saison tardive sur un même nombre de systèmes qu’une saison classique, il en reste 3 pour que nous ayons atteint la moyenne de 10 ».
De possibles cyclogenèses sont donc à attendre dans les semaines à venir, « même si les indicateurs de grande échelle reviennent au neutre, c’est à dire avec une énergie moins importante dans les semaines à venir ». Traduction, à partir de samedi, ça se calme quelque peu, mais même si nous pourrions avoir atteint un pic de précipitations cette semaine », d’éventuels perturbations à venir vont encore nous apporter de l’humidité.
Tempête dans l’alphabet
Une saison plus courte et aux pluies plus violentes, voilà qui n’est pas forcément une bonne nouvelle, « les précipitations orageuses ne sont pas les plus efficaces, elles ont tendance à ruisseler et à moins s’infiltrer dans le sol ». Donc, si les niveaux des retenues collinaires se remplissent, nous permettant de compter sur ce trésor de guerre en saison sèche, en cette saison des pluies où nous puisons dans les forages, les réserves aquifères souterraines risquent d’être moins riches en eau.
Actuellement le Talweg de mousson (ex-Zone de convergence intertropicale) est encore « relativement Sud » et génère « des dépressions chroniques ». « On observe deux systèmes au Nord des Mascareignes, l’un entre Rodrigues et Maurice, l’autre à l’Est du Cap d’Ambre. Nous surveillons ce dernier à la trajectoire incertaine. »
Pas de confusion sur la tempête tropicale à l’Est de Rodrigues et baptisée Vernon, « nous ne sommes pas déjà arrivés à la lettre ‘V’ de baptême des systèmes, son nom a été donné dans sa zone d’émergence par l’Australie qui n’utilise pas le même mode alphabétique que nous ».
+86% de pluies à Mtsamboro
Les données enregistrées accréditent la bonne pluviométrie de cette saison tardive : « D’octobre à février, les précipitations ont été supérieures à la moyenne au centre de l’île, vers Combani, et dans le Sud vers Bandrélé. A Mtsamboro, il a plu 86% de plus que la moyenne. Par contre, deux zones sont légèrement en-dessous de la moyenne, Dembéni, mais parce qu’elle est traditionnellement une des plus arrosée, et Dzoumogne ». D’où le moindre remplissage de la 2ème retenue collinaire. Mais mars étant le 2ème mois le plus arrosé, nous n’avons pas fini de sortir le parapluie.
Les températures elles aussi semblent vouloir justifier le réchauffement climatique, « sur toutes les stations de l’île, on est en moyenne à +0,4° chaque mois, comparé à leur moyenne habituelle. C’est la conséquence du réchauffement mondial des océans qui est à +0,3° par rapport à 10 ans en arrière ».
Moralité : les indications données par Laurent Floch et les prévisionnistes de Météo France en début de saison étaient les bonnes, les saisons cycloniques sont plus tardives et plus concentrées. « Nous assistons à un bouleversement de la logique habituelle, et dans plusieurs années, il y a fort à parier que c’est une saison des pluies comme celle que nous vivons qui servira de modèle ».
Anne Perzo-Lafond
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