« Depuis trois jours nous mangeons des sandwichs », se désole un habitant de Koungou village qui n’arrive pas à se procurer de bouteille de gaz. Il est arrivé tôt ce lundi dans la file d’attente, « mais il y avait déjà tous ceux qui sont en attente d’une bouteille depuis vendredi », nous explique le gérant d’un douka. Qui n’a pas pour vocation de se transformer en usine à gaz. Malgré les nombreux points de vente, l’offre ne suit pas l’irraisonnée demande. « Les gens m’ont déposé 80 bouteilles vides, mais je n’ai été livré que de 67 », se lamente-t-il.
Il n’y a pas d’eau dans le gaz pourtant, à en croire l’embouteilleur et importateur Somagaz. Son directeur général, Eric Lefevre, que nous avons contacté, ne comprend pas la folie ambiante alors que les stocks sont suffisants : « Nous avons actuellement plus de 600 tonnes de gaz dans nos réserves, ce qui correspond à 60.000 bouteilles, c’est à dire deux mois de consommation ». Pas d’inquiétude donc, jugeant que de nombreux habitants se sont inutilement affolés de la situation en Ukraine : « Nous ne nous approvisionnons pas auprès de la Russie mais en Inde, ainsi qu’auprès des pays de l’OPEP*. Notre fournisseur suisse gère le marché de distribution de gaz sur l’océan Indien, avec un stock flottant, et des petits tankers qui approvisionnent les territoires. Le circuit d’approvisionnement est sécurisé ».
Accroitre momentanément la distribution
La spéculation a repris, avec des bouteilles sorties d’on ne sait où, « habituellement, un habitant ramène une bouteille vide pour en acheter une pleine. Là, certains arrivent avec 5 à 6 bouteilles chacun, prouvant qu’ils les stockent chez eux, ce qui est très dangereux vace ce produit explosif. De plus, nos points de vente ont des capacités de stockage limitées, de 20 à 120 bouteilles en fonction de leur taille. » Un homme dans la file d’attente nous interpelle, « moi je n’ai qu’une seule bouteille à acheter ». Un cas isolé, la plupart en ont déposé plusieurs.
Comme à l’heure du laitier, dès 6 heures du matin, et avant la livraison, 90 sont alignées, attendant leurs jumelles remplies de gaz, « tout le monde ne sera pas servi ».
On entend parler de l’arrivée du ramadan, mais il reste encore deux semaines. Un retour à la raison est urgent si les acheteurs ne veulent pas bloquer le dispositif. Si chaque famille achète une bouteille à la fois, le retour à la normale sera rapide. « Il faut calmer le rythme d’achat, nous n’avons pas un circuit de distribution, en terme de chauffeurs et d’heures de travail, pensé pour livrer trois fois plus de bouteilles que d’habitude sur une situation irraisonnée ».
L’unité de production de gaz définie en 2008 doit être néanmoins repensée à la hausse, pour suivre la croissance de la population et donc de la demande, « nous réfléchissons à accroitre la capacité qui est de 2.300 bouteilles par jour aujourd’hui, pour passer à 4.000 bouteilles », rapporte le directeur.
En attendant et pour permettre au flux de se réguler, Somagaz travaille avec Total pour accroitre le débit de 140 bouteilles par jour, ce qui n’exclut pas que les acheteurs doivent garder la tête froide.
Anne Perzo-Lafond
* Les pays exportateurs de pétrole, essentiellement situés au Moyen-Orient et en Afrique de l’Ouest
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