La tension était de mise ce mercredi, dans la traditionnelle salle d’audience du tribunal judiciaire. C’est un nouveau procès d’ampleur qui démarrait alors, réunissant dans la salle pas moins de 7 prévenus, sur les 9 jugés lors de cette session qui s’étalera sur plusieurs jours.
Une première journée dédiée à la lecture des faits et des témoignages qui jalonnaient l’instruction de ce dossier, aussi complexe que marqué par des récits glaçants et pourtant presque communs au sein du territoire.
Ainsi, la lecture des faits s’ouvrait avec la matinée du 16 juin 2016. Alors, Vers 5h30 du matin à Ironi Bé, la brigade territoriale de Mamoudzou constate la présence de barrages composés de deux véhicules. Selon les témoins présents sur place, une dizaine d’individus armés et cagoulés aurait alors intercepté 4 véhicules dont les occupants auraient été extraits, et avaient la pris la fuite en abandonnant leurs biens.
Sur place ou à proximité du barrage, l’on avait alors retrouvé un tronc d’arbre, un manche de poignard, des cigarettes, et même un caleçon qui permettra plus tard l’identification de l’un des individus. Une pièce à conviction des plus originales, qui rappelle que le grand banditisme n’en est qu’à ses balbutiements à Mayotte…
L’une des victimes entendues expliquera que son véhicule avait ainsi été stoppé par une branche qui obstruait la chaussée, que quatre individus étaient sortis des bananiers, cagoulés et armés de bâton, de pierres et de chombos, et leur avaient jeté des cailloux. Sorti de son véhicule avec son ami, l’homme se faisait ensuite passer à tabac et dérober ses effets personnels, pendant que son véhicule était incendié.
Une autre victime expliquait être dans son véhicule avec son épouse, lorsque la voiture s’est retrouvée bloquée derrière une autre voiture, elle-même interceptée par un arbre au milieu de la route. Ne pouvant faire demi-tour, le malheureux conducteur se voyait ainsi débordé par une dizaine d’individus cagoulés armés de chombos, de pierres, mais aussi d’un fusil de chasse. Il finit par prendre la fuite, après s’être fait violenter là encore (points de suture, hématomes, entailles…). En repartant, l’homme constatait que son véhicule et celui de devant avaient été incendiés. Autant de scénarios similaires, entendus encore et encore en cette première matinée des Assises. Mais ce n’était pas tout : les investigations téléphoniques réalisées à partir des téléphones volés aux victimes permettaient de faire le lien avec deux autres procédures, dont un vol avec arme daté du 8 juin 2016 à Ongoujou.
Des faits datant de 2016… jugés en 2022
Le 8 juin, le PSIG de Mamoudzou était requis aux alentours de 4h30 pour intervenir sur un barrage entre Tsararano et Ongoujou. Sur place, les gendarmes constataient alors un embouteillage, la présence d’un abatis végétal sur la chaussée et deux véhicules en feu formant les extrémités d’une embuscade. Quatre voitures et un bus gisaient également sur place, abandonnés par leurs occupants.
Les premiers éléments recueillis laissaient entendre que plusieurs personnes avaient été agressées et dépouillées, et l’une d’elle enlevée avant d’être abandonnée. Selon les victimes, les auteurs seraient une quinzaine, âgés entre 17 et 23 ans, dont certains étaient cagoulés et armés. Parmi les différents témoignages recueillis, l’un s’avérera particulièrement marquant. L’un des conducteurs expliquait s’être fait encercler par une vingtaine de jeunes cagoulés et armés de barres de fer, machettes, haches et fusil. Trois assaillants l’auraient menacé avec une arme, pointant un fusil de chasse sur sa tempe, l’autre apposant sa machette sur son cou et un dernier le tenant en joug avec une pierre. Les agresseurs auraient alors déclaré : « tu vas être le premier mahorais à être abattu à cause des expulsions ».
L’homme s’est ensuite fait sortir du véhicule et dépouillé, avant de se faire ligoter les poignets par des lacets de chaussures de sécurité. Les agresseurs tentaient alors de l’enfermer dans le coffre de sa voiture, avant de finalement l’emmener sur un sentier à l’écart, en traversant une rivière. Puis, les pieds de l’homme étaient ligotés à un bananier, on lui enfonçait des feuilles mortes dans la bouche et le bâillonnait à l’aide de son propre t-shirt. Et ce afin d’obtenir les codes bancaires de la victime, abandonnée à son sort une fois les codes obtenus. L’homme, qui retrouvait ensuite son véhicule entièrement calciné, affirmait que ses agresseurs étaient des anjouanais.
Ainsi, les victimes des vols commis les 8 et 16 juin déploraient le vol de 2500 euros en numéraire, de 8 téléphones portables, d’un ordinateur et de nombreuses pièces d’identité et cartes bancaires.
Le tout pour un préjudice estimé à 9600 euros. Et ce sans compter les nombreux véhicules dégradés ou incendiés, amenant le préjudice total des deux faits de juin 2016 à 50 000 euros.
La valse des témoignages se poursuivra dans les prochains jours pour un procès d’ampleur qui durera jusqu’au 22 mars prochain. Et dont l’issue se soldera probablement par des peines de prisons toujours plus lourdes pour les accusés, dont certains sont déjà fort connus de la justice, et déjà incarcérés pour d’autres faits.
Mathieu Janvier
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