L’ensemble des maires de Mayotte veut demander l’annulation d’une ordonnance plafonnant leurs dépenses, alors que leur situation s’aggrave. Ils impliquent l’Etat.
Les 17 maires de Mayotte viennent de se constituer en une Association, « unique, pour parler d’une même voix ! ». Là où le clivage gauche-droite avait fragilisé leur union, les nouvelles équipes municipales ont fait le bilan : leur situation financière ne laisse plus la place à la discorde.
C’est Said Omar Oili, élu dès le 1er tour à la tête de Dzaoudzi Labattoir, qui en a pris les rênes, et qui, après avoir rassemblé 13 maires ce mercredi, dresse un parallèle entre la situation préoccupante des finances des communes de Mayotte avec celle évaluée par la Chambre Régionale des Comptes pour les autres Outre-mer sur la période 2005-2010 : « un grand nombre de ces collectivités sont en procédure de redressement, avec une sincérité des compte sujette à caution ».
Avec, à Mayotte, une situation aggravée « par le bassin d’immigration qui continue à peupler l’île, à remplir les écoles en faisant baisser le niveau. Des jeunes qui trainent dans les rues avant de basculer dans la délinquance, alors que les Antilles ont atteint leur transition démographique. L’Etat a son rôle à jouer contre cette immigration »… on pourrait ironiser sur cette prise de parole contre l’Etat : ‘Said Omar Oili est de retour’, si la situation n’était pas dramatique.
Car l’histoire remet encore l’Etat au pied du mur de l’incompétence des agents communaux… C’est encore Roukia Lahadji, maire de Chirongui qui en parle le mieux : « dans les années 80, quand il a fallu scolariser nos enfants, on a recruté des élèves qui étaient en CM2 ou en 6ème pour enseigner. Alors que l’Etat aurait du faire venir des licences ou des maitrises qui auraient formé les enseignants, et auraient dispensé des cours et formé des élites. Maintenant, on nous dit, ‘votre niveau est nul ! », d’un côté, et d’un autre, on a été obligé de garder et titulariser les agents qu’on nous avait fourni. On se retrouve alors avec plein de catégories C qui n’assurent pas ! »
Les écharpes tricolores à Bercy
Les maires assument ce rôle « d’amortisseur social », « si on ne les avait pas recrutés on aurait beaucoup plus que 54% de chômage ! »
Elle rappelle en outre qu’en 2004, lors de la décentralisation, « quand on a eu les manettes, on a cherché nos cadres que l’Etat aurait dû recruter… il n’y en avait pas ! ». Une tirade qui incite Said Omar Oili à souligner une parole émancipée : “avant on n’osait pas dire tout ça!”…
Une masse salariale peu productive, qui gangrène les budgets de fonctionnement, alors que les recettes ont été plafonnées par l’ordonnance du 19 septembre 2013. Son article 34 avait en effet été critiqué pour partager la Dotation Globale Garantie (issue de l’Octroi de mer) entre le département et les communes, comme en Guyane, là où elle va intégralement aux communes dans les autres DOM.
De plus, elles auront à se partager 32 millions d’euros, déduction faite de la fiscalité locale qu’elles rentreront. Fiscalité proportionnelle au nombre d’habitants, « qui a été sous estimé par le recensement de 2012 », et la superficie habitée.
Cette ordonnance sera donc le premier cheval de bataille de la toute jeune association, « on ne peut plafonner nos recettes et nous imposer des dépenses supplémentaires comme la participation au Service d’Incendie, le rattrapage du SMIG ou l’indexation ».
En cas d’autisme du gouvernement, ils annoncent boycotter, dans l’ordre, les arrivées de Marc Vizy, conseiller du président, des ministres Cazeneuve et Pau-Langevin, et de François Hollande en juillet.
Leurs actions pourraient les mener jusqu’à Bercy, « ceints de nos écharpes tricolores ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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