A Mayotte, « Mon Pouletti » a donné le « la ». S’inspirant de celle de production d’œufs, cette filière est la première à avoir structuré une production locale, permettant aux consommateurs de bénéficier de volailles de qualité, avec une traçabilité.
Comme les autres outre-mer, voire davantage, nous dépendons des importations sur les produits alimentaires, et comme les autres, nous avons été malmenés par la crise des containers, engendrant des problèmes de pénuries et d’inflation, aggravés par la flambée des cours des matières premières. Se nourrir devient de plus en plus cher.
Un sujet qu’aborde le site Terre-net, en soulignant que « les terres arables subissent une forte pression foncière » dans les cinq départements d’outre-mer.
Il pointe une autre difficulté, en donnant la parole à Alain Plaisir, spécialiste de la fiscalité qui menait une liste autonomiste lors des dernières élections régionales en Guadeloupe, et qui rend responsable le statut de ces territoires : « Le problème, pour atteindre la sécurité alimentaire en Guadeloupe provient de deux choses : d’une part, des mécanismes du marché qui font que les importateurs et les consommateurs iront toujours au moins cher, mais aussi le statut de département qui ne permet pas aux élus locaux d’avoir une politique de prix ».
L’octroi de mer ne joue pas son rôle partout
Il dénonce notamment l’inutilité de l’octroi de mer, taxe à l’importation censée protéger les productions locales : « Les prix des produits alimentaires importés en Guadeloupe sont si bas au départ que même avec la taxe, ils restent plus bas que les prix locaux ». La souveraineté alimentaire demeure « un vœu pieux » dans sa bouche, ne voyant d’issue que dans l’autonomie des DOM, doublée d’une « refonte totale de la fiscalité locale ».
Si Mayotte présente des similitudes avec les autres outre-mer, éloignement de 10.000 km de l’Hexagone impliquant des acheminements maritimes, elle présente aussi des atouts.
Tout d’abord, faute de structuration, nous n’avons pas axé notre agriculture sur une logique d’exportation. En face des cultures de la canne à sucre et de la banane, propres aux Antilles-Réunion, nous n’offrons que quelques pieds de vanille ou d’ylang. La plus grande menace du foncier n’est pas la monoculture, mais le développement urbain et en infrastructure. La Chambre d’agriculture et la Direction de l’Agriculture doivent veiller à protéger les terres agricoles.
Ensuite, notre éloignement doublé de la petitesse du marché, font que les produits importés restent souvent plus chers que ceux qui sont produits localement, l’octroi de mer fonctionne donc à peu prés.
Professionnalisation du Jardin mahorais
Enfin, et surtout, dans un rapport paru en début d’année sur les 5 départements d’outre-mer, le Cirad souligne que « L’amélioration de la trajectoire d’autosuffisance alimentaire passe par la production locale d’un certain nombre de fruits et légumes importés ». C’est la grande force de Mayotte, celle d’avoir maintenu ses « jardins mahorais », sorte d’agroforesterie, quand beaucoup souhaitaient les voir basculer en monoculture. On voit ses arpents où poussent quelques pieds de manioc, deux ou trois bananiers, entourés de pied d’ananas, de cocotiers et de papayers, à côté desquels paissent zébus et chèvres. Ils sont là pour nourrir la famille, ce qui à l’échelle de l’île, n’est pas mal du tout.
Une étude de la DAAF en 2011, rapportait que l’île comptait en 2010 près de 16.000 exploitations réparties sur 7.100ha, dont les productions étaient majoritairement autoconsommées ou troquées. Toutefois, le taux de couverture du marché alimentaire était estimé à 50% en 2018, avec une grande variabilité suivant les produits. Le territoire est par exemple autosuffisant en bananes, manioc et ananas (90% des surfaces cultivées sont occupées par des cultures vivrières, DAAF, 2019). Mais le taux de couverture n’est que de 42% pour les fruits et légumes. Reprenant cette étude, l’association française d’agronomie, rapporte, dans un récent article, qu’en septembre 2021, la première parcelle expérimentale d’un jardin mahorais agroécologiquement intensifié a été mise en place au lycée agricole.
Des agriculteurs formés ont constitué un groupe de travail pour appliquer les concepts abordés dans leur exploitation par l’organisation de musada (entraide), permettant à chacun de s’approprier les techniques.
Le conseil départemental a été partenaire, l’Europe aussi avec le fond de formation FEADER, et la perspective de création d’emploi dans ce maraichage agroécologique pour les élèves issus du lycée agricole de Coconi est encourageante. Une étude qui se clôt sur une citation que nous reprenons, celle du jardinier-maraîcher québécois Jean-Martin Fortier, « remplacer l’agriculture de masse par une masse d’agriculteurs ».
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.