« Si les postes de conciliateurs ne sont pas pourvus c’est peut-être parce que nous ne sommes pas assez connus ». Les propos de Benoît Rousseau, vice-président du tribunal judiciaire de Mamoudzou et référent médiateur conciliateur, sont empreints de lucidité quant à l’absence totale, pour l’heure de conciliateur à Mayotte. « Actuellement il n’y en a aucun. Il y a eu un conciliateur qui a officié quelques années mais dont on n’a pas forcément la réalité de l’activité. On part vraiment de zéro en quelque sorte », reconnaît-il.
Le conciliateur, un bénévole assermenté
Pourtant, le conciliateur a une place à part entière dans la communauté judiciaire. Cet auxiliaire de justice assermenté et bénévole a pour rôle « de trouver une solution à l’amiable à un différend entre une ou plusieurs parties, qu’elles aient ou non déjà saisi un juge », renseigne le site du ministère de la Justice. En outre, « le recours à la conciliation de justice est un moyen simple, rapide et gratuit de venir à bout d’un conflit en obtenant un accord sans procès ». Ces conflits, concernés par l’action du conciliateur, sont très divers qu’il s’agisse, entre autres, des relations bailleurs et locataires, des litiges entre commerçants, entre personnes et les troubles du voisinage etc.
L’absence de conciliateur conduit à un recours au juge
« En métropole, explique le vice-président du tribunal, certaines audiences se tiennent en présence d’un conciliateur. Pour certains dossiers, le juge, s’il sent que la conciliation est possible, le lui transmet. Il va essayer de concilier les parties en désaccord ». A ce stade, « les parties, ne perdent pas de temps car si le conciliateur ne parvient pas à trouver un compromis, à la fin de l’audience, le juge reprend le dossier ». La tentative de conciliation devient alors une condition de la recevabilité de l’action devant le juge, sans cette étape préalable, les parties n’y ont pas accès.
Quid de la situation à Mayotte ? « Actuellement, on est peut exigeant puisqu’il suffit juste à un justiciable d’envoyer une lettre recommandée à la partie adverse en indiquant les points de désaccord. S’il ne reçoit pas de réponse on s’en satisfait car on n’a pas de conciliateur. Du coup on va directement devant le juge », informe Benoît Rousseau.
Le conciliateur et le cadi un tandem de complémentarité ?
Si le rôle du conciliateur semble être proche du celui du cadi, le vice-président l’assure « on n’a jamais eu de personnes qui nous sont arrivées en nous disant qu’elles avaient fait une tentative de conciliation avec un cadi et que cela a échoué ». Pourtant affirme-t-il, « pour nous cela nous satisferait. C’est mieux que la lettre recommandée ». Cette situation pourrait éventuellement s’expliquer par le fait que « les cadis arrivent à concilier et alors on
ne voit jamais la conciliation, parce que les parties se sont débrouillées toutes seules ».
Toutefois précise-t-il, « on est en mesure de donner une valeur judiciaire à une homologation d’un accord trouvé devant le conciliateur ». Dès lors, « si par exemple les parties dans le cas d’une dette se sont engagées à payer 500 euros en 3 fois le 30 de chaque mois, on peut valider cette conciliation et la personne a un jugement qui peut être exécuté par un huissier de justice ». L’action des cadis pourrait s’inscrire dans une complémentarité de celle menée par les conciliateurs et « permettrait à la population mahoraise, dans toutes ses composantes, d’avoir une offre pour s’orienter vers le bon interlocuteur », détaille le vice-président.
Une formation dispensée à l’Ecole Nationale de la Magistrature
Il ne faut pas aussi omettre le fait que le recrutement de conciliateur à Mayotte fait partie, à son échelle, de l’alignement progressif de toutes les institutions et notamment les institutions régaliennes au regard de ce qui se passe dans les autres territoires. « A La Réunion, il y en a quinze, informe Benoît Rousseau. A Mayotte on est sur un territoire plus petit mais au moins aussi densément peuplé. Etre 5 serait déjà génial », projette-t-il. Puis, rappelle le vice-président, « la formation est assurée en métropole à l’Ecole Nationale de la Magistrature, ce qui permet de faire de nouvelles rencontres et d’acquérir des connaissances dans un autre milieu professionnel ». Pour l’heure, suite à la campagne de recrutement lancée fin juin, une seule candidature a été reçue par les services du tribunal judicaire.
Pierre Mouysset
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