Ceux qui veulent vider leur cave en métropole gardent précieusement le contact de leur déchetterie pour jeter un vieux matelas, une armature de fauteuil, etc. A Mayotte, hormis quelques initiatives isolées d’une commune et d’intercommunalités qui ont mis en place des déchetteries, fixe pour Sada, mobiles en Petite Terre ou sur la CADEMA, rien n’était institutionnalisé sur l’ensemble de l’île. Le Syndicat Intercommunal d’Elimination et de Valorisation des déchets de Mayotte (SIDEVAM 976) vient de réparer cela en attendant la mise en place des 8 déchetteries fixes promises de longue date.
Mayotte est dans une période de « réparation de pots cassés » au sein de plusieurs structures. Le Syndicat des Eaux et le SIDEVAM 976 sont en tête de liste. Les deux ont été le théâtre de perquisitions cette année dans le cadre d’enquêtes préliminaires ouvertes par le Parquet national financier, sur des soupçons de détournements de fonds publics, favoritisme, recel et corruption sur la gestion du SIDEVAM de 2017 à 2019. C’est donc les rênes d’une structure affaiblie qu’a repris Houssamoudine Abdallah, par ailleurs maire de Sada. En choisissant un DGS qui a déjà fait ses preuves ailleurs, Chanoor Cassam, il affirme depuis deux ans son ambition, « rendre Mayotte propre ».
Challenge épineux à relever, comme nous le soulignions encore récemment, puisqu’il faut naviguer entre incivilités et dégradations, les poubelles étant davantage utilisées comme matériel de barrage que pour leur conception originale. 6000 bacs supplémentaires ont pourtant été livrés en un an.
Anticiper la saturation de l’ISDND
La nouveauté, c’est donc la mise en place de la collecte des encombrants, des déchets verts et la ferraille, et à la demande s’il vous plaît ! « Nous mettons en place une déchetterie mobile grâce à l’achat de 4 camions de 12 tonnes, un pour chaque intercommunalité, Petite Terre, Nord, Centre et Sud* qui permettent une collecte sélective au plus prés des usagers », explique le président du SIDEVAM. L’investissement de 700.000 euros devrait être financé par le fonds européen Feder, « on peut le demander en cours de livraison des camions », complète Chanoor Cassam. Des camions grues devraient les rejoindre bientôt.
Et difficile de faire plus prés de l’usager que cette opération Allo Uharafu halo (Allo la propreté, on y va !) : « Lorsque vous aurez des déchets verts, un encombrant comme un vieux frigo ou une cuisinière à jeter, il faudra composer le 0639 27 44 44, ou bien envoyer la photo de vos déchets sur Whatsapp en donnant le lieu, et on vous indique les jours et heures de passage ! » Une organisation ambitieuse, très ambitieuse, qui mise en réalité sur le dialogue avec les habitants. Avec de gros enjeux à la clef.
« D’une part, nos camions sont en panne parce qu’on ramasse tout et n’importe quoi dans un bac consacré exclusivement aux ordures ménagères, notamment pendant les manzaraka », commente Houssamoudine Abdallah, reprenant les propos qu’il avait tenus dans nos colonnes, mais aussi parce que à ce rythme, le centre d’enfouissement ultime des déchets non recyclables à Dzoumogne risque de saturer plus vite que prévu s’il continue à accueillir des déchets qui peuvent être recyclés, comme nous l’explique Chanoor Cassam : « La durée de vie de l’ISDND** de Dzoumogne est de 30 ans. Or, après 8 ans d’exercice, nous craignons qu’il ne faille la raccourcir à 25 ans tant le volume de déchets croit d’année en année. » Et l’accroissement du nombre de bacs n’a pas arrangé les choses. Si les particuliers sont invités à trier dans les bacs Citeo le verre, le métal, le plastique et le carton, qui sont exportés ensuite, il faut aussi que les plus gros déchets soient correctement traités.
Mieux trier pour mieux recycler
Et plus on accroitra le volume des D3E (déchet d’équipement électrique et électronique), plus ce sera facile de les exporter puisqu’on sait que Mayotte intéresse peu les éco-organismes (dont certains étaient pourtant là pour récupérer les subventions sans traiter réellement les déchets) au regard des faibles débits. C’est pourquoi mettre en place des filières de recyclage sur le territoire reste un challenge que peu relèvent.
Pour les dirigeants du SIDEVAM, c’est l’offre qui va donc créer la demande, « nous mettons en place le service, et ensuite nous allons dialoguer avec l’usager pour lui présenter les trois jours de collecte sélective par semaine. » Les flux seront répartis par thème, un jour sur les D3E, qui seront récupérés par Ecosystèmes avec comme objectif de les traiter dans un endroit dédié, « on vise l’ancienne décharge de Dzoumogne », un autre jour pour les déchets verts et enfin, la ferraille.
Les deux hommes gardent en ligne de mire l’objectif d’implanter les 8 déchetteries fixes promises sur l’île : « Pour Malamani (Chirongui), nous sommes dans la phase d’analyse du marché, les travaux devraient débuter en novembre, et Bandrélé devrait être livrée en 2023 », conclut Houssamoudine Abdallah.
Anne Perzo-Lafond
* La CADEMA a son propre système de collecte, elle contribue au SIDEVAM pour le traitement des déchets
** Installation de stockage de déchets non dangereux
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