Le contexte mahorais est très complexe. C’est en ayant pleinement conscience que le développement de l’île est étroitement lié à sa situation sociale que les deux ministres ont consacré une partie de leur temps à ce domaine. Tout est encore à faire.
Ce sont deux mots qui font et défont la politique économico-sociale de l’île. L’appel d’air est craint autant par l’Etat qui ne met pas en place toutes les allocations de peur d’accentuer la pression migratoire, que par le Conseil général qui, en hésitant à se pencher sur le problème de l’enfance, laisse la situation se déliter.
Avec ce constat, la visite des deux ministres ce jeudi 19 juin ne pouvait pas révolutionner une situation qui s’enlise. Difficile d’attendre du gouvernement la mise en place d’une Zone de Sécurité prioritaire par exemple, quand tous les outils dont dispose le territoire n’ont pas été mis en place. Mais on peut se montrer optimiste.
Sur le temps consacré par la ministre des Outre-mer à la problématique sociale tout d’abord : elle aura passé notamment plus de deux heures avec les associations travaillant sur l’enfance en danger. Un regret : alors qu’il a assisté à une simulation d’interception de kwassa, le ministre de l’Intérieur n’aura pas visité de quartiers-bangas, difficile donc pour lui de se faire une opinion.
C’est en compagnie du ministre de l’Intérieur que George Pau-Langevin était accueillie le matin par Antoine Duhaut, Directeur de l’antenne mahoraise d’Apprentis d’Auteuil, autour des jeunes du Centre Msayidie, « Aide-le » en shimaoré. Agissant sur les jeunes et très jeunes isolés ou en détresse, il accueille actuellement 182 jeunes, souvent recueillis dans la rue, pour les scolariser.
« Vivre normalement »
Une structure soutenue par le gouvernement, « car la lutte contre l’illettrisme induit l’autonomie pour ces enfants qui veulent juste vivre normalement », justifiait Bernard Cazeneuve.
Une problématique semblable à Caritas France-Secours catholique où la ministre s’est arrêtée prés d’une heure dans l’après midi. Ils sont 120, de plus de 16 ans pour la plupart, à être accompagnés par un enseignement en français, maths ou théâtre. Vitale pour eux, leur cellule familiale est également suivie.
Une structure qui ne repose que sur des bénévoles, et qui arrive à des résultats encourageants puisque plusieurs jeunes ont ensuite pu intégrer des formations, et certains ont pu être régularisés.
George Pau-Langevin accueillie notamment par Maria Said Salim, l’animatrice du Centre, a beaucoup interrogé les jeunes de l’association AJVK, des Jeunes volontaires de Kawéni, portée lors de sa création par Caritas, et qui a déjà proposé une dizaine de séances de cinéma de rue en nocturne sans qu’aucune violence n’ait été à déplorer.
Mais c’est lors de sa rencontre avec les associations en charge de l’enfance en danger, Tama, Apprentis d’Auteuil, Solidarité Mayotte, Croix Rouge, Caritas, Médecins du Monde, que les demandes furent le plus précises autour d’un axiome : « les mineurs en souffrance ne doivent plus faire les frais de la situation actuelle ».
L’attitude positive du Conseil général
Pour exemple, les demandeurs d’asile n’ont pas de droits tels que les ATA ou AMS de métropole, « les mineurs devraient malgré tout avoir un traitement différencié », plaidait Solidarité Mayotte.
Des allocations absentes par peur de provoquer un appel d’air. Or, non seulement les filières d’immigration existent déjà, mais les chiffres opposent la réalité à ces craintes : la proportion d’étrangers à Mayotte n’a pas cru davantage, pas plus que les reconduites, depuis la mise en place du RSA. De plus, les véritables motifs de migration vers Mayotte sont liés à la santé et la scolarisation.
La situation, avec cet abandon des enfants, pour être connue n’en est pas moins difficile à accepter, et c’est un tantinet gênée que Georges Pau-Langevin soulignait, « on sait tout ça, mais il y a un acteur à intégrer, les Comores ». Un thème que devrait aborder le président Hollande qui s’y rend en juillet, « il faut éviter le départ de ces jeunes enfants de leur île ».
La situation est plus complexe, tant de l’autre côté du bras de mer les habitants considèrent qu’il est normal de se rendre librement dans la 4ème île de leur archipel. Ce qui induit des difficultés remontées par Philipe Duret, directeur de Tama, qui propose depuis peu une réunification familiale sur l’île d’origine de ces enfants, « mais nous notons quelques crispations à l’approche du voyage présidentiel ».
L’élément positif est, de l’avis de toutes les associations, la prise de conscience du Conseil général « à travers l’annonce par Daniel Zaïdani de la mise en place de l’Observatoire de Protection de l’Enfance ». Un travail est en cours également entre la préfecture et le gouvernement.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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