« Pour tous nos jeunes, l’Education est une des solutions, tout en leur donnant les moyens de s’insérer ensuite », le recteur Gilles Halbout posait le contexte compliqué de Mayotte.
Les évaluations de CP, CE1 et seconde, n’ayant pas été bonnes, un changement de méthode était indispensable, explique Dominique Pince-Salem, Inspectrice chargée du dispositif « Néo je lis, Néo je décode » : « On nous a demandé davantage de cohérence, de lisibilité des pratiques pédagogiques, et de se doter d’une méthode unique sur l’ensemble des CP ». S’appuyant sur les dernières recherches scientifiques, la méthode propose de travailler séparément et simultanément le code d’apprentissage et la compréhension. Gilles Halbout embraye : « Alors que le niveau général n’est pas très bon, l’objectif est de doubler d’ici deux ans la cadence de lecture des élèves, depuis ceux qui ne déchiffrent que 15 mots par minutes à ceux qui atteignent 30 mots à la minute. Dans 12 semaines, tous les CP doivent être au même endroit du programme ». Une évaluation de la méthode qui se fait quasiment d’elle-même donc. Ce sont 120.000 manuels qui ont été achetés par le rectorat en lieu et place des communes, « nous espérons que les maires vont suivre ». L’ensemble des 500 enseignants de CP va être formés.
Deuxième préoccupation, avec prés de 51.000 élèves dans le second degré, le suivi de la vie scolaire à l’intérieur des établissements, dont est chargé Pascal Lalane, Conseiller technique établissements : « Prendre en compte autant d’élèves, c’est un défi. Heureusement, nous pouvons compter sur un climat scolaire apaisé. En dépit de quelques violences, le plus souvent l’établissement fonctionne normalement et les élèves apprennent, ils sont respectueux à Mayotte. Nous sommes attentif prioritairement au harcèlement, et nous tablons sur la démocratie lycéenne pour cela, notamment des élèves pairs remarquables, pour traiter de ces problématiques. » Et ce mercredi, ils sont intervenus pour rétablir le calme dans un établissement. La préoccupation majeure porte sur les conséquences du réveil de plus en plus matinal des élèves, « à cause de la circulation, ils se lèvent à 4 heures du matin, et arrivent à 4h430 dans des établissements qui ouvrent plus tard. »
Rectorat dynamique cherche partenaire idéal
En attendant de résoudre les problématiques de circulation, l’internat semble une solution rêvée… du moins sur le papier, nous explique Dominique Gratianette, secrétaire général du rectorat : « L’internat du lycée de Longoni est celui qui devrait aboutir en premier. Pour les autres c’est plus compliqué. Ces structures ne sont pas financés par le rectorat, mais par l’ANRU*, et depuis l’établissement des devis, les coûts de la construction ont pris 15%. Nous devons donc étaler leur construction sans financement supplémentaire. D’autre part, le conseil départemental pourvoyeur de foncier est moins facilitateur qu’au moment de la départementalisation. Quant à l’Etablissement public foncier et d’aménagement, nous attendons qu’il dénoue les dossiers complexes. » Moyennant quoi, les rares terrains proposés pour les internats sont peu constructibles, en pente ou sous l’emprise d’aléas naturels, ou sous la visée d’études environnementales, alors que le désengorgement des établissements est un enjeu primordial pour les jeunes de l’île et les personnels.
Sur les 4 lycées et 8 collèges en prévision, certains sont plus avancés que d’autres, explique toujours le SG. « Le lycée des métiers du Bâtiment à Longoni va voir sa première pierre posée dans les jours à venir, un investissement de 99 millions d’euros, et le lycée de Kwale, sur Mamoudzou sud, va suivre, ainsi que Mtsangamouji. Pour Chirongui, c’est plus compliqué en terme de financement, car nous sommes en transition entre deux Contrats de convergence. » Les collèges sont également dépendant du foncier, « nous sommes prêts sur Vahibe, Bandraboua et Cavani. Pour ce dernier, qui sera en excellence sportive, nous attendons le feu vert du conseil départemental ». Les autres qui devraient s’ériger à Longoni, quasiment dans l’enceinte du lycée des métiers du bâtiment, à Pamandzi, à Ongoujou et à Tsoundzou, sont encore dans les cartons. La cuisine centrale de Kawéni doit sortir de terre.
50% des élèves certifiés sur le numérique
A côté des structures, des hommes. Dominique Gratianette détaille l’investissement de l’Etat dans ce domaine aussi, « avec 189 emplois supplémentaires cette année dans le premier degré, pour une arrivée de 3.179 élèves en plus, et 120 emplois créés dans le second degré, pour 1.473 élèves supplémentaires. »
Le rectorat recouvre de nombreux autres secteurs, avec des référents associés comme celui de la laïcité et des valeurs de la République supervisé par Anli Boura, « c’est notre compétence première que de porter la République. Pour cela 400 agents ont été formés, et les 3.000 de l’académie le seront bientôt. » Egalement le Plan numérique pour lequel 3,8 millions d’euros sont investis dans le second degré, et 2 millions dans le premier degré bénéficiant aux 105 écoles de 15 mairies, sur les 188 du territoire. Deux communes n’ont pas souscrit… « 50% des élèves ont été certifiés en Pix, la certification des compétences tout au long de la vie, et si 36 dispositifs de formation au numérique ont été menés l’année dernière, nous allons doubler cette année », rapporte Fabrice Chaudron-Drane, Référent numérique.
Le développement durable n’est pas oublié, « dans tous les établissements il y a des éco-délégués, les aires éducatives seront déclinées, ainsi que la distribution de mallettes éducatives sur les tortues marines. Nous mettons aussi en place des activités hors les murs pour une découverte de la biodiversité si riche ici, alors que des enfants n’ont jamais vu de tortue marine », détaillait Hadidja M’bae, Inspectrice chargée du développement durable.
Ufundriha shimaore na shibushi**
Un travail est fait sur l’apprentissage des 4 langues au programme national, l’anglais, l’espagnol, l’arabe et l’allemand, avec l’ouverture d’une section internationale au collège Frédéric d’Achery de Koungou, « et nous avons travaillé avec deux collectivités pour utiliser les langues étrangères dans les activités périscolaires », explique Soirifa Soumaïla, Inspectrice chargée du Plan langue. Dans le cadre de la signature d’une convention avec le CD, l’enseignement des langues locales shimaore et shibushi sera dispensé en maternelle, « les élèves y gagnent en apprentissage du français », glissait Gilles Halbout, qui annonce que l’apprentissage sera ensuite décliné en collège. Un support pédagogique est désormais mis à disposition.
Le Pass’Sport, aide à la pratique sportive de 50 euros par enfant pour l’aider à s’inscrire dans une structure sportive, est décliné à Mayotte, « nous avons évalué à 25.000 les potentiels bénéficiaires de la mesure », indique Nourayne Massiala qui en est chargé à la DRAJES.
Quant aux relations avec les parents pour les impliquer dans le suivi scolaire de leurs enfants, sujet primordial à Mayotte, un partenariat est noué avec la préfecture dans le cadre de la Politique de la Ville, « nous attendons l’arrivée du stagiaire ENA qui en est chargé », indique le recteur. Les parents qui ont également leur place dans le cadre du Projet Educatif Territorial (PEDT) noué avec les communes, « mais trois ne s’y sont pas encore investies ». Un travail est également mené avec les associations de parents d’élèves en vue de leur structuration.
De nombreux autres dispositifs sont décrits sur les 55 pages du dossier de presse, classes défense, prévention du harcèlement entre élèves, service civique… le système éducatif investit tous les champs proposés au plan national.
Anne Perzo-Lafond
* L’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine
** Apprendre le shimaore et le shibushi
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