Les avocats mahorais se sont associés au mouvement national de grève d’une journée de leur profession. L’enjeu: le financement de l’aide juridictionnelle.
La majorité des 27 avocats qui exercent à Mayotte s’était rassemblée devant la salle d’audience du tribunal de Mamoudzou ce jeudi matin. Dans notre département, comme dans toute la France, de nombreuses audiences ont été renvoyées en raison de leur mouvement de grève.
Les avocats protestent contre la réforme programmée par le gouvernement du financement de l’aide juridictionnelle (AJ). Cette AJ permet aux justiciables les plus modestes de voir leurs frais de justice et leurs honoraires d’avocats pris en charge par l’Etat.
La réforme prévoit que les avocats participent au financement de cette AJ, par l’intermédiaire d’une taxe sur le chiffre d’affaires des cabinets. Ce projet est la conséquence de la suppression des droits à acquitter par les justiciables mis en place sous Nicolas Sarkozy qui servaient notamment à financer cette aide, par l’intermédiaire d’un «droit de timbre» de 35 euros pour engager une procédure et de 150 euros pour faire appel.
Contre une justice à deux vitesses
Devant la salle d’audience de Kawéni, Me Mohamed Saidal, le bâtonnier de Mayotte plaidait ce matin pour le mouvement : «Nous estimons que l’Aide juridictionnelle participe de la solidarité nationale en empêchant une justice à deux vitesses. Plus de 9 millions de personnes en France ne peuvent accéder à la justice par leurs propres moyens. Ils dépendent donc de cette prise en charge par l’Etat. Il faut que le gouvernement prévoit un système plus équitable et plus pérenne que celui qu’il envisage». A Mayotte, plus de la moitié des affaires relèverait de l’AJ.
Pour les avocats, si le gouvernement persiste dans cette voie, les conséquences sont claires. Non seulement les cabinets d’avocats pourraient se détourner de ces affaires financées par l’AJ mais en plus, les justiciables qui n’en bénéficient pas pourraient payer l’addition. Les avocats pourraient alors répercuter les coûts de cette AJ sur ceux qui ont les moyens de s’offrir les services d’un conseil.
La lenteur des financements
A Mayotte, les avocats dénonçaient également les délais de paiements de cette AJ. «Il faut souvent attendre 6 mois, 10 mois voire jusqu’à deux ans pour être payé de l’AJ», relevait Me Saidal. Une fragilisation des cabinets qui viennent à peine de percevoir le remboursement du travail effectué depuis un an et demi avec la mise en place de la réforme de la garde à vue. Les avocats montraient également ce jeudi la pile d’affaires d’AJ déjà plaidées et entente de financement, des dossiers non traités depuis un mois et demi, car «la dotation n’est pas arrivée» affirmaient-ils.
«Ce qui est important à signaler, c’est que ce mouvement n’est pas initié par une organisation syndicale mais par les instances représentatives de la profession», en l’occurrence le conseil national des barreaux, ajoutait Me Fatima Ousseni.
Christiane Taubira, la ministre de la justice, devrait évoquer la question, demain vendredi, lors d’une rencontre organisée à Paris en marge de l’assemblée générale de la Conférence des bâtonniers. En fonction des éléments qu’elle apportera, le mouvement pourrait être reconduit dans les semaines qui viennent et aboutir à une véritable grève de l’aide juridictionnelle de la part des avocats.
RR
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.