Calme et gentillesse. Il se dégage de lui quelque chose qui s’apparente à de la sagesse, peut-être celle des grands sportifs. Avec ce sourire dont il ne se départ jamais, rien ne laisse soupçonner que Ouildane Idrissa est un battant, avec un palmarès impressionnant : 1er du Run des tortues, du trail des makis, des 15km de la Sainte-Geneviève, de la course de pneu. 1er surtout du dernier Mahoraid avec le record de l’épreuve : 7h52. «C’est la plus belle course que j’ai gagnée. J’ai battu le record de 18 minutes mais avec trois kilomètres en plus !» Il sourit.
Ouildane est arrivé à Mayotte à l’âge de huit ans. «J’ai fait ma première course en benjamin quand j’étais en CM2 à Passamainty. J’ai fini premier. En 6e, j’ai participé au championnat de France en métropole. Et depuis cette course, je n’ai jamais arrêté de courir.»
Aujourd’hui, Ouildane a 23 ans. Il court 14 heures par semaine, des fractionnés de 200 à 400 mètres sur la piste du stade de Cavani et des sorties de trois heures sur les pistes de Mayotte. « Depuis quelques années, je cours avec mon petit frère qui a 20 ans. J’en avais marre d’être tout seul dans la montagne. Ensemble, on fait la maison du gouverneur, le Benara, le Choungui. On a gagné les 10 kilomètres de Mzouazia, il y a deux semaines, premier et deuxième ! Il n’est pas aussi bon que moi mais sur les petites distances de 10 ou 15 kilomètres, il faut que je m’accroche. »
Des amis financent sa course dans les Pyrénées
Ouildane a le don pour susciter la sympathie. Alors, rien d’étonnant quand des amis de métropole « rencontrés au sport » se cotisent pour payer billet d’avion et hébergement, pour lui permettre de participer au Grand raid des Pyrénées. « 5000 mètres de dénivelés sur 80 kilomètres… Les Pyrénées, ce n’est pas Mayotte. Il y avait du brouillard tout le long et de la neige sur les deux derniers kilomètres. Les autres avaient des bâtons télescopiques, moi, je ne savais même pas que ça existait. J’ai fait cette partie de la course sur les névés à quatre pattes. » Il finit tout de même 12e, « mais (il) était 5e en arrivant au Pic du Midi ! »
Il est sensible, Ouildane, visiblement surpris et sincèrement touché de l’élan de générosité qui lui a permis cette « découverte complète » des montagnes métropolitaines. Le début d’un mouvement autour du jeune homme. Il part dans quelques jours à La Réunion s’attaquer au Trail de Bourbon, la version courte de la diagonale des fous (93 km et 5.700 mètres de dénivelés), financé par des sponsors locaux.
Le Mont-Blanc en juin 2014
« Je parle beaucoup avec ma femme mais elle n’aime pas quand je voyage. Elle se sent seule quand je pars. Moi aussi, je suis triste de la laisser, elle et ma petite Rayana qui n’a que deux ans. »
Elles vont pourtant devoir s’y habituer. Après La Réunion, où il veut « faire mieux que dans les Pyrénées », les amis métropolitains lui préparent un séjour dans les Alpes au mois de juin prochain. « Ils veulent m’inscrire aux 80km du Mont-Blanc. »
Un travail, une famille, des performances sportives admirées, le jeune homme, tout en simplicité, semble comme sur un nuage. Seule sa grosse montre tranche avec le personnage. « Elle fait GPS. Mais je n’ai jamais de montre quand je cours. Je cours jusqu’à la fin, c’est tout. Des fois, j’oublie même de demander mon résultat et je l’apprends dans la presse le lendemain. »
Rémi Rozié
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