C’est la star des moustiques. Pas un journal qui n’a parlé de lui. Il a été découvert à Mayotte et baptisé «stegomyia pia», pia signifiant « nouveau » en langue mahoraise.
« Je trouve qu’il est très beau », explique Betty Zumbo, la responsable du service de lutte anti-vectorielle de l’ARS (Agence de Santé régionale) à Mayotte. De fait, le corps noir avec de petites rayures blanches du Pia semble avoir charmé les entomologistes pour lesquels la découverte d’une nouvelle espèce de moustique n’est pas si courante.
Il a été découvert en 2011 et à l’époque, l’événement est passé totalement inaperçu. C’est une communication de l’IRD (Institut de recherche pour le développement), il y a quelques semaines, qui a enflammé la presse du monde entier. « L’inventaire ‘moustiques’ à Mayotte datait de 1976 et il me semblait important de l’actualiser, raconte Betty Zumbo. Mon service a donc commandé une étude à l’IRD qui a envoyé ses chercheurs pour travailler avec les équipes mahoraises de l’agence ». Ils découvrent alors le Pia et ses habitudes particulières.
Contrairement aux moustiques qui nous sont familiers, le Pia n’est pas un animal urbain. Son quotidien, c’est plutôt les bambous, les trous dans les arbres ou les rochers. Il est présent sur l’ensemble du département, « du Mont Benara à l’îlot Mbouzi » et fait partie de la famille des Stegomyia dont les membres sont les principaux vecteurs de la dengue et du chikungunya. Mais c’est à peu près tout ce que l’on connait de lui.
Suspect mais pas coupable
« Il fait partie d’une famille de moustiques à risques. On sait qu’il pique plutôt à la tombée de la nuit et qu’il est présent partout », précise Betty Zumbo. Pour autant, il ne faut tirer de conclusions hâtives : les spécialistes ne sont pas encore en mesure de dire si, comme les membres de sa famille, il transmet des maladies. « Nous n’avons pas encore d’études spécifiques qui nous permettent de le connaitre précisément. Pour l’instant, il est suspect mais pas coupable ! »
Si le Pia est un moustique « autochtone », on ne peut pas, non plus, affirmer qu’il est présent dans les autres îles de l’Archipel des Comores.
Mayotte compte 45 espèces de moustiques contre 12 à La Réunion. Chez nous, l’environnement leur est favorable combinant une forte humidité, des sols qui favorisent la stagnation des eaux et une relative proximité de l’Afrique continentale qui a favorisé l’installation des insectes. En plus des Stegomyia, les familles les plus connues sont les Culex (le moustique qui vous a piqué durant toute la saison sèche, à la fois le plus bruyant et le plus présent mais qui ne transmettrait plus de maladies) et les anophèles (ceux qui véhiculent le paludisme, la nuit et sans faire de bruit).
Un moustique acclimaté en laboratoire
Le Pia est désormais objet de recherches scientifiques. Dans les laboratoires de l’ARS à Mamoudzou, les spécialistes « l’acclimatent ». «Élever des moustiques, c’est un travail très sérieux, prévient Betty Zumbo. Il faut mettre en place les conditions idéales pour que les larves se développent et deviennent des moustiques». Et avec le Pia, ça fonctionne : lors de notre visite, certains échantillons, enfermés dans un bocal, étaient en pleine phase d’émergence, le passage de la larve aquatique au moustique aérien.
Une fois ce premier travail de laboratoire achevé, des échantillons seront envoyés à l’IRD et à l’institut Pasteur qui ont une longue expérience dans la recherche des vecteurs de maladies. Il faut donc encore être patient pour savoir si ce qu’il transporte. La star des moustiques a encore une belle carrière scientifique et médiatique devant lui.
RR
(Crédit Photo de Une : IRD /ARS Océan indien)
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