Un demandeur d’asile condamné pour vente à la sauvette demande au juge du Tribunal de Police un Travail d’Intérêt général, n’ayant pas les moyens financiers de payer son amende.
Ce lundi 13 octobre se tenait une audience du Tribunal de Police. C’est une juridiction qui doit juger les contraventions les moins graves comme du tapage nocturne, des coups et blessures légers, ou des contraventions de 5ème classe, les plus importantes, comme les violences volontaires qui impliquent des Interruption de Travail Temporaire (ITT).
Ce sont souvent des conflits du quotidien qui dégénèrent et qui donnent à la justice son rôle de médiateur. Tout au long de la matinée, les affaires sont jugées avec beaucoup d’attention pour les justiciables, les décisions longuement motivées par le juge Guillaume Bourin et par le procureur Michel Alik, une attitude respectueuse qui fait souvent défaut dans d’autres juridictions.
L’une des affaires amenait Kamissi* le Congolais à la barre. Il est accusé de vendre illégalement des sucettes pour enfants qu’il achète à 80 centimes « à des gens qui viennent au marché », et qu’il revend à 1 euro, « je les paie quand j’ai fait ma marge », explique-t-il.
Arrivé à Mayotte en 2009 en provenance de République Démocratique du Congo, l’homme demande l’asile. De toute évidence, son dossier est en réexamen auprès de l’Office Français des réfugiés et Apatrides (OFPRA). Il a obtenu un récépissé en août de la préfecture l’autorisant à demeurer sur le territoire.
La vente à la sauvette, « un moindre mal »
Il a déjà été condamné pour les mêmes faits de marché au noir et a accepté de payer l’amende. Ou plutôt, a signé des papiers où il s’y engageait : « je n’ai pas les moyens de payer. Je suis allé voir le Trésor public pour lui demander de faire plutôt un TIG (Travail d’Intérêt général, ndlr) parce que j’ai de la force, mais ils m’ont dit que ce n’était pas eux qui décidaient. Je ne savais pas trop comment contacter le procureur pour lui demander de m’ordonner à faire un TIG ! »
« Pourquoi n’avez vous pas demandé une autorisation de travailler », s’enquiert le juge Bourin. « J’ai demandé à la DTEFP (Direction du travail, Dieccte maintenant) il y a trois ans, mais il faut connaître un employeur ».
Il n’existe effectivement aucune source de revenu pour les demandeurs d’asile à Mayotte contrairement à la métropole où ils bénéficient de l’Allocation temporaire d’attente (ATA) et de l’Allocation mensuelle de subsistance (AMS). On se retrouve donc devant un paradoxe, des demandeurs qui ont le droit de demeurer sur un territoire sur lequel ils ne peuvent subsister. C’est pourquoi l’Etat les autorise depuis février 2011 à travailler, mais ce sont des démarches très complexes et que doivent entreprendre les employeurs.
« Je n’ai pas d’autre solution que la vente à la sauvette », explique Kamissi qui redemande à effectuer des TIG. « Nous avons d’un côté des personnes dans la nécessité, et de l’autre des commerçants qui paient une patente, sont déclarés et ont des salariés », résume le procureur Alik, « si on laisse tous les ressortissants africains rester sur le territoire dans ces conditions, on n’y arrivera pas !»
Le juge Bourin ne demande qu’une amende de 30 euros, « la vente à la sauvette étant un moindre mal pour des personnes qui n’ont pas de ressource », et élargira le débat, « l’Etat Français devrait prendre des règles appropriées pour prendre en charge de manière décente de ses demandeurs d’Asile ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Prénom d’emprunt
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