Lors de la deuxième rencontre d’élaboration du cadre institutionnel de Mayotte en 2025, il fallait s’assurer que les collectivités aient les ressources à hauteur de leurs compétences nouvelles.
Le montant des nouvelles entrées fiscales est déjà connu : « les quatre taxes en place depuis le 1er janvier 2014, habitation, foncier bâti et non bâti et foncière des entreprises, permettront aux collectivités de percevoir plus de 21 millions d’euros ». Les collectivités les percevront en 2015.
Mais une question se posait aux nombreux participants de l’atelier d’élaboration du document Mayotte 2025 piloté par le député Ibrahim Aboubacar, et qui avaient investi la salle du SMIAM à Mamoudzou : les collectivités percevront-elles ces sommes, alors que la taxe d’habitation sera plafonnée pour les plus faibles revenus et que la taxe foncière ne peut pas être payée par les nombreux occupants sans titre ?
Car si 65 000 foyers fiscaux ont été recensés à Mayotte, « seulement 25 000 locaux d’habitation ont été enregistrés au cadastre. Ce qui donne une idée de l’ampleur de l’habitat précaire ! », annonçait Jean Desseauve, adjoint de la direction du Pôle fiscal.
Mais attention, soustraction n’est pas raison. Il ne s’agit pas d’en déduire que la différence équivaut à 40 000 logements précaires. Car il faut prendre en compte d’autres particularités locales, comme la polygamie, « beaucoup de ménages font deux déclarations », voire trois, là où un couple ne signe qu’une déclaration en métropole.
« 65% des gens ne paieront pas d’impôt »
On peut ranger au même chapitre la cohabitation : « plusieurs familles habitent un seul et même logement à Mayotte. D’ici trois ans, nous pourrons chiffrer plus précisément le nombre d’habitants par logement ». L’évaluation de la proportion de la population en situation irrégulière sera alors plus facile.
Entre les 52% de revenus fiscaux nuls (imposables mais aux revenus faibles), et les 25% de non imposables, « ce sont 65% de gens qui ne paieront pas d’impôt ». Ce chiffre est de 50% en métropole.
Du côté de la taxe foncière, des limites se posent également. « La régularisation, bien qu’offerte par le Conseil général sur le bornage et l’enregistrement jusqu’au 1er janvier 2014 et bien que bénéficiant d’allégement par les services fiscaux, est loin d’être terminée ».
Conseil général et Etat, les plus gros contribuables
Dans tous ces cas : plafonnement des ressources ou absence de titre, qui va payer ? « en cas de plafonnement des ressources, c’est l’Etat qui octroie une compensation », et en matière de foncier, « le propriétaire quel qu’il soit ».
Lorsqu’une habitation se trouve sur un terrain domanial, c’est le Conseil général qui devra s’acquitter de la taxe foncière. Or il est propriétaire de 30% du territoire, « c’est le plus gros contribuable juste avant l’État avec sa Zone des 50 pas géométrique sur laquelle sont construits beaucoup de villages non régularisés. C’est l’État qui paiera pour eux ».
Un État qui risque de se voir impliqué aussi dans la zone appartenant au Conseil général : « elle n’a jamais été officiellement transférée des colonies aux collectivités », défend Issihaka Abdillah, élu du Conseil général. L’Assemblée comorienne ayant en effet indiqué en 1953 que les terrains deviendraient domaniaux, « jusqu’à preuve du contraire »…
Donc indivision ou pas, titre ou pas, c’est le propriétaire indiqué sur le titre et, à défaut le Conseil général ou l’Etat qui paieront, puisque le montant des recettes avaient été garanti par l’Etat, comme dans les autres départements d’Outre-mer d’ailleurs.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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